Le Pérugin, maître oublié de la peinture italienne, est remis en lumière.
La Résurrection, un des chefs d’oeuvre du Pérugin. Le tableau, réalisé entre 1500 et 1504, fait partie des cinquante présentés à Paris. (Photo : C. Lancien/C. Loisel/Musées de la Ville de Rouen)
Trois ans après sa rétrospective sur Fra Angelico, le musée Jacquemart-André, à Paris, se penche sur un autre artiste de la Renaissance italienne : Pietro Vannucci, dit Le Pérugin (1450-1523). Au fil d’une cinquantaine de toiles, l’exposition revient sur l’un des grands modernisateurs de la peinture au tournant des XVe et XVIe siècles, qui a su s’approprier aussi bien les codes de l’art vénitien que ceux de l’école florentine pour nourrir son propre style.
Plutôt mal connu, Le Pérugin, inventeur d’un nouveau langage pictural, célèbre dans toute l’Europe et inspirateur de Raphaël, fut pourtant l’un des grands peintres italiens de la fin du XVe siècle. Le musée Jacquemart-André rend hommage à son art avec une exposition réunissant une cinquantaine d’œuvres.
Pietro di Cristoforo Vannucci, dit Le Pérugin, « a joué un rôle essentiel dans le renouvellement de l’art italien entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle », explique Vittoria Garibaldi, grande spécialiste du peintre et commissaire de l’exposition qui parcourt l’œuvre de l’artiste et explore ses rapports esthétiques avec Raphaël. Né vers 1450 dans une riche famille près de Pérouse – d’où, donc, son surnom –, Le Pérugin part très tôt à Florence et fréquente l’atelier d’Andrea del Verrochio où il côtoie Léonard de Vinci et Botticelli. Il y acquiert sans doute la grande «habileté technique» qui caractérise son travail, note Vittoria Garibaldi, soulignant que ses œuvres «se sont très bien conservées». En témoignent notamment deux panneaux peints pour le couvent des Franciscains de Pérouse en 1473 sur les Miracles de saint Bernardin de Sienne.
> Immense réputation
Si le travail du Pérugin est encore marqué par l’influence de Piero della Francesca, notamment dans l’utilisation de la perspective, il manifeste déjà son sens de la composition et peint un des « premiers paysages modernes ». Les sujets religieux dominent les travaux du Pérugin, avec une prédilection pour les vierges à l’enfant, véritable « fil rouge » de son parcours. « Mais elles sont toutes différentes », note encore Vittoria Garibaldi. Présentée en regard, une série d’œuvres sur ce thème de plusieurs artistes (Verrochio, Boticelli, Pinturichio) permet de mesurer l’évolution du genre et l’apport du Pérugin, notamment dans le modelé des corps et la subtilité des couleurs.
Quand Bartolomeo Caporali représente la madone sur un fond doré, Le Pérugin la peint devant un paysage, sans doute influencé par les artistes flamands. Il est aussi le premier à représenter mère et enfant sur un fond sombre. Ses vierges élégantes, aux gestes délicats, aux yeux baissés, puis au regard mélancolique, lui vaudront une immense réputation, et il se voit confier en 1479 la coordination des travaux de décoration de la Chapelle Sixtine par le pape Sixte IV.
Autre genre dans lequel Le Pérugin excelle, le portrait, tel celui, saisissant, de Francesco delle Opere, un maître soyeux florentin. Entre l’extraordinaire présence du personnage, la vivacité de son regard et la subtilité de la lumière, le peintre est au sommet de son art. Cette « intensité expressive » se retrouve aussi dans Saint Jérôme pénitent, une toile qui témoigne de la place de plus en plus marquée que Le Pérugin va accorder à la figure humaine.
Il est aussi fortement influencé par la peinture de Venise, où il séjourne en 1494 et 1495, comme le montrent un diptyque de deux huiles sur bois Le Christ couronné d’épines et La Vierge, particulièrement émouvantes de simplicité. Si Le Pérugin, mort en 1523, est souvent présenté comme le maître de Raphaël, le sujet est encore débattu par les experts, dont certains contestent que le jeune peintre ait jamais fait partie de l’atelier du maître de Pérouse.
Au-delà des querelles de spécialistes, l’exposition s’attache à montrer la « grande proximité » de style entre les deux artistes. Sont ainsi exceptionnellement réunis les éléments du Retable de Saint Nicolas de Tolentino de Raphaël, dispersés dans trois musées, dont Le Louvre. Les prédelles (parties inférieures) de deux autres retables, celui de Fano – dont l’attribution est partagée entre les deux peintres – et celui d’Oddi, sont mises en regard.
Le Quotidien
Jusqu’au 19 janvier.
www.musee-jacquemart-andre.com