Inédite en son genre, l’exposition «Cosa mentale», au centre Pompidou-Metz, offre une relecture de l’histoire de l’art de 1880 à nos jours, à la lumière de la fascination des artistes pour les modes de communication de la pensée.
La fin du XIX e siècle voit le rapport à la communication bouleversé : développement des télécommunications, du téléphone, du télégraphe, du cinéma… Naît alors le rêve de pouvoir recevoir des impressions «à distance sans l’aide d’organes sensibles reconnus» : la télépathie. « Ce fantasme d’une projection directe de la pensée a non seulement un impact décisif sur la naissance de l’abstraction, mais influence le surréalisme et son obsession pour le partage collectif de la création », explique la présentation de «Cosa mentale», exposition présentée depuis fin octobre à Metz.
À travers ce thème de la télépathie, cher depuis plusieurs années au commissaire de l’exposition, Pascal Rousseau, le musée propose de poser un regard neuf sur les œuvres exposées, dont certaines, comme La Sieste de Miro, sont mondialement célèbres. Au fil d’un parcours chronologique qui permet au visiteur de se raccrocher à des œuvres connues – un penseur de Rodin ouvre l’exposition –, «Cosa mentale» invite à percevoir l’influence des sciences, parfois balbutiantes, de l’esprit dans les ruptures artistiques du XX e siècle.
Surréalisme et encéphalogramme
Non sans humour, une première salle présente les tentatives de photographier – au sens propre – la pensée, au moyen d’une plaque photosensible posée sur un front. Faisant dialoguer un film d’époque humoristique montrant une telle expérience avec un portrait de Max Oppenheimer dont le sujet est entouré d’un halo clair, d’une «aura» visible, cette salle pose le propos de l’exposition. Avec un rappel essentiel : la radiographie est née en 1895. Car en effet, si l’on peut voir à travers les corps, pourquoi pas dans les têtes?
Suivent des œuvres plus didactiques, chargées de montrer l’influence directe des découvertes de la psyché sur les débuts de l’abstraction. Mettant en miroir les «formes pensées» imaginées par Annie Besant et Charles W. Leadbeater – des nuages colorés représentant un « vague plaisir intellectuel » ou « l’affection pure » – et une toile de Kandinsky, la salle suivante propose d’appréhender l’œuvre du peintre russe sous l’angle de la représentation des émotions. Les visiteurs ont alors envie de relire les éclats de couleur de son Tableau à la tache rouge (1914) avec le dictionnaire des formes-pensées qui le jouxte. De même pour les peintures, plus rondes, de Frantisek Kupka présentées dans la même salle.
Quelques années à peine après les explosions de Kandinsky et les rondeurs de Kupka, André Breton écrit le Manifeste du surréalisme . Nous sommes en 1924, année du premier enregistrement de l’activité électrique du cerveau humain au moyen de l’encéphalogramme. « Une coïncidence historique rarement relevée, qui offre un regard nouveau sur la pratique surréaliste des « cadavres exquis » », souligne le guide de l’exposition. C’est la recherche des champs magnétiques. Cette partie de l’exposition présente des comptes rendus de séance du groupe télépathique de l’Institut métapsychique international, qui permettent de voir à quel point certains ont essayé de communiquer d’esprit à esprit.
Suit la partie plus contemporaine de l’exposition, avec notamment le Mind Expander , siège pouvant accueillir deux personnes côte à côte et surmonté d’un gros globe transparent où peuvent cheminer les pensées… Cette capsule mentale a été conçue par le groupe autrichien Haus-Rucker-Co. Place encore, également, à la «biomusic» (NDLR : la retranscription acoustique des ondes cérébrales) ou encore à la vidéo, avec un film de Jordan Belson, un tourbillon de formes cosmiques rythmées par la respiration de l’artiste. Après ces œuvres parfois ardues à appréhender, le spectateur peut, dans une salle entièrement dédiée, essayer une «expérience concrète de télépathie»…
Exposition « Cosa mentale », au centre Pompidou-Metz jusqu’au 28 mars 2016. www.centrepompidou-metz.fr