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Exposition : corps sensible à la Villa Vauban


Le miroir, la harpe, la fleur, le vin et le perroquet : Allégorie des cinq sens (1651), selon Herman van Aldewereld. (illustration : DR)

Les cinq sens, le goût, l’odorat, la vue, l’ouïe et le toucher, comptent parmi les sujets les plus variés et les plus séduisants de la peinture européenne. La Villa Vauban s’intéresse à la question.

Les collections de la Villa Vauban s’ajoutent ici aux œuvres prêtées par près de vingt musées européens,afin de brosser le mieux possible l’évolution de la représentation des cinq sens dans la peinture et la gravure, du XVIIe au XIXe siècle.

Longtemps, dans l’histoire européenne, les cinq sens ont divisé les hommes, sous la longue emprise d’interdits religieux considérant ces facultés sensibles comme une voie d’accès au péché, même si, dans cette idée, la vue et l’ouïe étaient considérées comme plus nobles, car moins «terre à terre», plus proches, en somme, de Dieu. Du coup, leur représentation dans la peinture suit cette tradition du corps meurtri. Raison aussi pour laquelle ce sont d’abord les graveurs qui se sont emparés de la thématique, à côté de leurs penchants pour les quatre saisons ou les signes du zodiaque.

Si le Moyen Âge versait dans le bestiaire foisonnant, le XVII e siècle allait enfin s’intéresser à la figure humaine, bien que dans des élans symboliques. La peinture flamande et hollandaise illustre bien cette nouvelle orientation, mise en avant à la Villa Vauban par la toile si caractéristique de Herman van Aldewereld Allégorie des cinq sens (1651), aux emblèmes récurrents : le miroir (pour la vue), la harpe ou encore le luth (ouïe), la fleur (odorat), le vin et les fruits (goût), sans oublier le perroquet et les oiseaux colorés pour le toucher.

Seul ou en groupe, hommes ou femmes, ces toiles alternent les points de vue, avec un sens plus ou moins prononcé pour la mythologie (comme pour ces cinq jolies toiles venues d’Anvers, inspirées d’Ovide). Ces porteurs de péchés et de délices vont, ensuite, progressivement laisser place à des visions plus ancrées dans la réalité. Jan Jacobsz Molenaer et ses personnages proches de la caricature, grimaçants et aux tons terreux – l’un d’eux se pince le nez devant un étron fumant – sont représentatifs de cette rationalisation croissante de la pensée, qui conduira plus tard aux scènes d’auberge chargées, dans lesquelles on boit, on danse et on fume. Même si ces œuvres, calquées sur l’histoire biblique du fils prodigue, avancent en arrière-plan des avertissements moraux, certes dissimulés dans ces rondes des plaisirs.

Tables luxuriantes et bouquets de fleurs

Entretemps – ce que montre bien la Villa Vauban à travers ses collections et les prêts de vingt musées européens – la vanité devient célébration des sens, avec tables luxuriantes et bouquets de fleurs. Ici, c’est la peinture française de nature morte (Jacques Linard, Louise Moillon…), prétexte à des recherches esthétiques, qui est mise en lumière, avec, au passage, un tableau du peintre strasbourgeois Sébastien Stoskopff (1597-1657), dans une belle allégorie du temps qui passe.

Enfin, un dernier regroupement, et non des moindres en quantité – des tableaux du XVII e au XIX e siècle, œuvres de différentes générations d’artistes, comme Philip van Dijk, Luca Giordano, Gérard de Lairesse, Jacob Duck ou Michael Sweerts, entre autres – montrent des scènes de genre, des musiciens, des couples ou des scènes galantes avec des allusions cachées à chacun des sens. Un ensemble complété par des séries de gravures pimentées ça et là par des touches de dérision et d’ambiguïté.

Grégory Cimatti

Villa Vauban – Luxembourg. Jusqu’au 26 juin.

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