Avec Rodin, il fut le plus grand sculpteur du XXe siècle. Le Centre Pompidou célèbre en grand Constantin Brancusi, qui a marqué l’histoire de l’art avec ses œuvres originales et fascinantes.
Des dizaines de statues en bronze, bois et pierre, stylisées à l’extrême, ont investi le centre Pompidou à Paris où une rétrospective exceptionnelle retrace depuis la semaine dernière l’œuvre de Constantin Brancusi (1876-1957), considéré comme le père de la sculpture moderne. Plus de 120 sculptures, mais aussi des centaines de dessins, carnets et autres
peintures de ce démiurge venu de Roumanie sont ainsi rassemblés sur 2 000 m2 au sein de la grande galerie du musée d’art moderne auquel le sculpteur a légué, à sa mort, son atelier et toutes les œuvres qu’il contenait ainsi que ses archives.
C’est la toute première fois qu’une rétrospective de cette ampleur est organisée en France en raison notamment de la fragilité des sculptures provenant des plus importantes collections internationales (Tate Modern, MoMA, Guggenheim, Philadelphia Museum of Art, musée national d’art de Roumanie…) exceptionnellement réunies, selon Ariane Coulondre, commissaire de l’exposition avec Julie Jones et Valérie Loth. Au cœur de l’exposition à la scénographie tout en courbes et lumière, l’établi du sculpteur et ses outils, son mobilier, une petite forge et des œuvres d’art dont la Colonne sans fin, un socle en bois dont le motif est répété verticalement par empilement, reconstituent partiellement cet atelier.
Atelier reconstitué
Lieu de création et de vie de Brancusi, arrivé à Paris en 1904 à l’âge de 28 ans, en pleine effervescence culturelle, il était situé près du quartier de Montparnasse et a vu défiler les plus grands artistes des avant-gardes du tournant du XXe siècle comme des collectionneurs du monde entier. Entouré de Modigliani, Léger, Duchamp ou encore Sati, Constantin Brancusi, «fan de musiques du monde» – il possédait plus de 200 disques – «y organisait soirées et happenings, filmant ses amies danseuses, postées, telles des statues vivantes, sur des socles en pierre ou en bois», raconte Ariane Coulondre.
Reconstitué à la mort de l’artiste, l’atelier était abrité dans un pavillon installé sur le parvis du musée d’art moderne. Il a été déplacé à la faveur des grands travaux de rénovation et de désamiantage du centre Pompidou qui doivent débuter après la fermeture des collections à l’été 2025, pour cinq ans. Le parcours thématique est organisé autour des séries de référence de l’artiste et met en lumière les grands enjeux de la sculpture moderne : l’ambiguïté de la forme (Princesse X), le portrait (Danaïde, Mlle Pogany), le rapport à l’espace (Maiastra, L’Oiseau dans l’espace), le rôle du socle (Nouveau-né, Le Commencement du monde), les jeux de mouvement et de reflet (Léda), la représentation de l’animal (Le Coq, Le Poisson, Le Phoque) et le rapport au monumental.
Nouveau vocabulaire
Il débute par la célèbre Muse endormie, une tête de femme stylisée dorée, du bronze longuement poli, qui se transforme en surface brillante comme un miroir. «C’est la quintessence de l’art de Brancusi, la simplification de la forme, des détails à peine estompés et la beauté du matériau qui reflète tout l’espace alentour», commente la spécialiste. Le visiteur entre ensuite dans une grande pièce ovale qui résume «le parcours de sa vie, les sources de son travail et tout le contexte de sa création», dit encore la spécialiste. Des œuvres de Rodin, Derain, Gauguin et des pièces antiques sont mises en vis-à-vis de ses sculptures.
Constantin Brancusi «invente un vocabulaire radicalement différent», avec par exemple Le Baiser, taillé dans un bloc de pierre brute où deux individus fusionnent, «très loin des pleins et des creux de la sculpture classique», souligne la commissaire. Parmi les pépites, une série de portraits d’enfant, du bronze le plus classique à l’ovale le plus abstrait entre 1906 et 1915-1916. «Tout est quasiment posé dès le départ, toutes les formes qui lui serviront tout au long de sa vie», ajoute Ariane Coulondre. Après la Seconde Guerre mondiale, Brancusi s’arrêtera de sculpter, «recombinant sans cesse ses œuvres au cœur de son atelier, œuvre d’art en soi, environnement total», ajoute-t-elle.
«Brancusi, l’art ne fait que commencer» Jusqu’au 1er juillet. Centre Pompidou – Paris.