Pour sa seconde exposition à la galerie Zidoun-Bossuyt, le Sud-Africain Mustafa Maluka présente ses portraits hybrides dans la continuité de sa recherche plastique autour de l’identité. Mustafa
Maluka fait partie de ces artistes qui utilisent leur propre expérience de vie pour en prélever l’essence et la donner à voir au public en tant que créateur, mais aussi en tant qu’individu vivant dans un monde globalisé. Présenté pour la seconde fois à la galerie Zidoun-Bossuyt située dans le Grund, il expose ses derniers portraits qui questionnent la construction de l’identité et sa représentation au monde. Une belle perspective du monde actuel et de ses interrogations.
Pour la deuxième fois au Luxembourg, une exposition monographique est consacrée à l’artiste sud-africain Mustafa Maluka, au cœur de la galerie Zidoun-Bossuyt. Artiste et penseur de la question de l’identité, de la confrontation de la culture contemporaine aux politiques internationales, son travail de plasticien n’est, à première vue, ni provocateur ni dénonciateur, car sa force se situe dans une nuance bien plus subtile. «L’artiste travaille toujours autour de la question du portrait, que ce soit dans l’histoire de l’art ou dans les représentations populaires. Il amasse un nombre incalculable de photographies représentant des visages qu’il trouve dans des magazines, des livres mais aussi sur internet», explique Anne-Solène Groppe, de la galerie.
Au premier abord, son travail interroge le portrait dans le sens large, la manière dont nous nous représentons depuis des millénaires, dans sa forme la plus classique ou la plus contemporaine. Il aime métisser les représentations canoniques avec la culture urbaine et populaire, parce que sa réflexion touche principalement au métissage ou à la mixité qui est devenue intrinsèque à chaque être humain au fil des siècles.
Droit dans les yeux
Ses visages composites, il les tire de sa propre expérience de vie. Né dans une Afrique du Sud en proie à l’apartheid, il a vécu et été témoin des violences à l’encontre des personnes noires, il est ensuite parti étudier à Amsterdam et vit aujourd’hui en Finlande. Il n’est jamais retourné, sauf pour quelques jours de vacances, dans son pays natal dont il craint toujours la violence et la ségrégation, plus aujourd’hui qu’hier. Son expérience n’est pas unique et c’est de cela dont il veut nous parler en créant des personnages hybrides dont les traits sur un même visage peuvent emprunter ceux de différentes origines géographiques.
Les visages de Mustafa Maluka nous regardent droit dans les yeux comme pour nous obliger à ne pas détourner nos regards, nous laissant ainsi, armés de nos références culturelles, deviner, derrière chacun des traits, des origines supposées. «Pour les fonds comme pour les visages, l’artiste appose de multiples couches pour arriver au résultat final. Il y a certaines toiles qu’il a modifiées juste avant d’être accrochées à la galerie», ajoute Anne-Solène Groppe.
L’hybridation de l’identité
Des strates se créent comme celles de son voyage et de toutes nos migrations, qu’elles soient temporaires ou permanentes. Il transforme les visages et les caractéristiques en fonction de son expérience et de celle, présupposée, des personnes qu’il peint. En transformant le fond, il modifie également notre perception du sujet peint, même s’il aime utiliser les mêmes formes et couleurs pour jouer de leur composition sur la toile.
Derrière tous ces anonymes hybrides, Mustafa Maluka part à la recherche quasi archéologique de son identité et, à travers elle, de notre identité à tous. S’il est aujourd’hui possible en quelques semaines de recevoir son profil génétique complet, nous informant précisément sur les différentes origines qui composent notre être, Mustafa Maluka préfère la poésie et la subtilité aux pourcentages, il choisit de nous interroger plutôt que nous confronter à la vérité scientifique.
N’en déplaise à certains qui prennent de plus en plus de voix ces derniers temps, nous n’avons pas d’identité unique, mais nous sommes bien une œuvre composite qui a n’a débuté ni à notre naissance, ni à celle de nos parents, ni à celle de la société dans laquelle nous vivons, mais bien il y a environ 2,8 millions d’années.
De notre collaboratrice Mylène Carrière
Galerie Zidoun-Bossuyt – Luxembourg.
Jusqu’au 20 mai.