À la prochaine Biennale d’art de Venise, Andrea Mancini et le collectif Every Island présenteront A Comparative Dialogue Act, le projet collaboratif et sonore qui sera celui du pavillon luxembourgeois.
«Strangers everywhere». Des étrangers partout… On croirait presque que le thème de la 60e Biennale d’art de Venise, qui sera inaugurée le 20 avril prochain, a été pensé sur mesure pour le Luxembourg – un point de vue différent l’applique tout aussi parfaitement à la Sérénissime, symbole européen du tourisme de masse. Avec ses racines italiennes et la vie qu’il partage entre Bruxelles et son Grand-Duché natal, l’artiste Andrea Mancini incarne à lui seul le multiculturalisme qui rend fier le Luxembourg (et, par extension, les notions d’hospitalité et de tolérance véhiculées par le thème de la Biennale).
De fait, le projet A Comparative Dialogue Act, qui sera celui du pavillon luxembourgeois à Venise, portera haut les couleurs de la collaboration au-delà des frontières nationales, linguistiques et disciplinaires. Ce dont s’est félicité le ministre de la Culture, Éric Thill, qui dit vouloir faire des échanges artistiques entre le Luxembourg et l’étranger une «priorité». Et de remercier l’initiative d’Andrea Mancini, «qui a si bien su répondre au thème» de la Biennale en invitant des artistes étrangers à prendre part au projet.
Laboratoire et bibliothèque
Car, loin d’être le fruit de la réflexion d’un seul artiste, A Comparative Dialogue Act est porté par Andrea Mancini et le collectif Every Island, basé à Bruxelles. Ensemble, les artistes inviteront quatre collègues à partager avec eux une résidence d’une semaine : l’artiste non binaire espagnole Bella Báguena, les performeuses turque Selin Davasse et suédoise Stina Fors, et la plasticienne-chercheuse française Célin Jiang.
«Ce projet choral incite les artistes à se déposséder leur ego et tirer une nouvelle créativité dans leur unité», résume Joel Valabrega, commissaire d’exposition auprès du Mudam et curatrice du projet A Comparative Dialogue Act. La directrice du musée, Bettina Steinbrügge, remarque d’ailleurs que, «dans un monde de l’art en mutation, le collectif semble prendre le pas sur la compétition» – ce qui, à nouveau, sied bien au thème de cette 60e Exposition internationale d’art de Venise.
Ce projet choral incite les artistes à se déposséder leur ego et tirer une nouvelle créativité dans leur unité
Le son est la matière impalpable au cœur du projet artistique, qui se déploie comme un «laboratoire d’artistes» qui verra se transformer la salle d’exposition du pavillon luxembourgeois, au premier étage de l’Arsenale, en un «dispositif acoustique» à taille humaine. «Le son est notre médium», explique Andrea Mancini, qui a «demandé à chaque artiste invité de créer une bibliothèque de sons», qui peut être appréciée seule mais servira de base au travail performatif réalisé sur place.
Après l’expo, le vinyle
À l’aide de quatre «murs sonores» modulables – soit le système sonore proprement dit, tandis que le sol est fixé à un système de basses –, les artistes réaliseront ainsi leurs performances acoustiques en se nourrissant des sons mis à leur disposition, tout en étant libre d’incorporer ou non les travaux de leurs pairs. Martina Genovesi, membre du collectif Every Island, entend «donner à ces surfaces froides une réverbération humaine». De cette façon, «l’artiste est engagé dans une nouvelle conversation artistique, tout en créant quelque chose de nouveau», reprend Andrea Mancini.
Selon Hélène Doub, responsable du département Arts visuels auprès de Kultur:LX, le projet d’Andrea Mancini et Every Island est «contemporain jusque dans ses enjeux», qui touche aux questions de la créativité, du «rythme» et la façon dont on en fait l’expérience en société, ou encore des droits d’auteur. À l’issue de l’exposition, en novembre prochain, Andrea Mancini et Every Island sortiront un disque vinyle réalisé à partir du projet; pour leur part, Bettina Steinbrügge et Joel Valabrega réfléchissent déjà à la logistique qui permettrait de faire entrer prochainement A Comparative Dialogue Act dans l’un des espaces d’exposition du Mudam. Pour l’instant, cap sur Venise, où le riche projet promet de faire du bruit. Au sens propre comme au figuré, s’amuse la curatrice, puisque «les pavillons voisins travailleront, eux aussi, sur des projets sonores».