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[Exposition] À Pompidou-Metz, copiez comme vous voulez!


L'Hermaphrodite endormi, sculpture star au Louvre, revue par Jeff Koons.  (Photo : jeff koons)

Faire revivre des oeuvres du Louvre à travers le regard de cent artistes : au Centre Pompidou-Metz, des «copistes» exposent leur réécriture de classiques de l’art. Original.

Pour ne pas se méprendre sur ses intentions, ni le contenu de son exposition, le musée messin rappelle dès l’entrée, en gros, l’idée qu’il a soumise, il y a plus d’un an, à cent artistes : «Choisissez une oeuvre des collections du Louvre qui compte pour vous et copiez-la à votre manière». Précision d’importance : le copiste n’est donc pas un copieur, mais un artiste qui, «à partir du travail de l’autre, existe par lui-même». Idem, la copie ne se veut pas une répétition, ni une imitation, mais bien une appropriation, une interprétation dont le geste est noble : «poursuivre l’Histoire de l’art», écrit-il. Ce qui fait sens quand on a côte à côte Le Louvre, une grande institution patrimoniale, et le Centre Pompidou-Metz, un lieu de création, et parfois, de relecture. À preuve, l’exposition en 2021 sur Arcimboldo (1526-1593) et ses héritiers.

Faire «une radioscopie de l’art contemporain», satisfaire «les amoureux» de certains classiques, anciens et modernes, et entre les deux, «réactiver des œuvres du patrimoine» : voilà le but des deux commissaires d’exposition, Donatien Grau, conseiller pour les programmes contemporains du musée du Louvre, et Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz. Le premier précise encore : le sujet de l’exposition «n’est pas la copie mais la pluralité des copistes (…) Copier, aujourd’hui, ce n’est pas se mettre face au tableau et le dupliquer. C’est mille autres choses!». Des propos qui se confirment dans une étonnante réunion qui, de surcroit, ne se donne «aucune limite» : dessin, sculpture, gravure, film, et bien sûr, peinture (la plus représentée) se mélangent, car copier, «ça ne s’arrête pas à un matériau ou à une forme».

Eugène Delacroix démultiplié

Sous la forme d’un parcours libre à la scénographie classique, les époques se confondent (de l’Antiquité au XIXe siècle) à travers le point de vue d’artistes plus ou moins renommé. Histoire de taper dans l’œil, c’est le plus connu qui appâte dès l’entrée : l’Américain Jeff Koons offre sa vision de L’Hermaphrodite endormi, sculpture star au Louvre, ici recouverte de ses ballons métalliques colorés. Il y a d’autres cas notoires «peints, dessinés, découpés, scannés, recomposés ou tissés» : La Grande Odalisque de Jean-Auguste-Dominique Ingres, La Dentellière de Johannes Vermeer, Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, Le Tricheur à l’as de carreau de Georges de La Tour ou encore La Victoire de Samothrace, dont la réplique sculptée en fusain, signée Humberto Campana, est du plus bel effet.

Si certains noms reviennent à plusieurs reprises, celui qui semble avoir attiré toute l’attention est celui d’Eugène Delacroix. Sa toile La Liberté guidant le peuple (1830) a en effet été reprise plusieurs fois : Bertrand Lavier, avec Aux armes citoyens, se concentre ainsi sur les armes et le drapeau peints dans la version originale, tandis que Georges Adéagbo l’a cité dans son installation (Louvre Remix) parmi d’autres œuvres du peintre français. Agnès Thurnauer s’attache elle à la figure centrale de l’allégorie, qu’elle recouvre intégralement d’un fragment de l’essai Les Guérillères de Monique Wittig (1969), dans une interprétation résolument féministe. Quant au sourire le plus célèbre du Louvre, celui de Mona Lisa, on ne le verra jamais. En effet, le collectif Claire Fontaine lui a camouflé le visage d’une tache noire. Plus drôle, Glenn Ligon se photographie… avec le dos du panneau de bois sur lequel Léonard de Vinci a peint La Joconde.

Détournements et mises en abîme

À noter que toutes ces œuvres ont été créées de toutes pièces spécialement pour cette exposition. Giulia Andreani, qui a réalisé trois portraits féminins, a aimé le fait de «se heurter à des œuvres du Louvre», d’en «détourner la technique, d’en exploser le format». Certaines (rares) copies sont faites presque à l’identique – «on est un peu déstabilisés» en les regardant dans un premier temps, note Chiara Parisi, puis «après on reconnaît la patte de l’artiste». D’autres, au contraire, ont détourné les originaux pour en faire des créations où «les œuvres ne sont pas là pour être reconnues», précise-t-elle. C’est le cas notamment de La Vierge et l’Enfant au chancelier Rolin (XVe siècle) peint par Jan Van Eyck, et réduit par Y. Z. Kami à un petit détail, les mains, qu’il a reproduit comme un symbole.

Autre exemple parmi ces nombreux détournements et autres mises en abyme : l’artiste Neila Czermak Ichti a remanié le tableau Roger délivrant Angélique (1819) de Jean-Auguste-Dominique Ingres. Dans sa copie, «tout le monde a un peu changé de place. Le challenge, c’était que le monstre n’ait pas la même place» mais ne soit pas non plus une victime, comme l’était Angélique dans la version originale, explique-t-elle. Dernière spécification : les œuvres originales n’ont pas été transportées à Metz, mais le public peut toutefois les retrouver reproduites dans le catalogue d’exposition qui, d’une certaine manière, «prolonge la visite», conclut Chiara Parisi.

«Copistes»
Centre Pompidou – Metz.
Jusqu’au 2 février 2026.

Copier, ce n’est pas se mettre face au tableau et le dupliquer. C’est mille autres choses!