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[Exposition] À New York, Vermeer dévoile ses «lettres d’amour»


L’exposition, constituée des trois seuls tableaux Femme écrivant une lettre et sa servante, La Maîtresse et la servante et La Lettre d’amour, est la première rétrospective Vermeer à New York depuis 2001.

Une exposition avec seulement trois œuvres : un pari pris par la collection Frick de New York avec des toiles du maître hollandais du XVIIe siècle Johannes Vermeer, liées entre elles par des histoires d’amour secrètes.

L’industriel de l’acier Henry Frick, fondateur du musée new-yorkais à son nom, avait fait l’acquisition en 1919 de la célèbre toile La Maîtresse et la servante (1666-1667) de Johannes Vermeer. Pour une nouvelle exposition, deux autres œuvres ont été empruntées : Femme écrivant une lettre et sa servante (1670) à la Galerie nationale d’Irlande et La Lettre d’amour (1669-1670) au Rijksmuseum d’Amsterdam. Il s’agit de trois des six œuvres que le «sphinx de Delft» a consacrées à la lecture, l’écriture ou l’échange de lettres, à l’époque où la forme épistolaire était à son apogée dans l’art.

Les trois œuvres réunies actuellement à New York intègrent la figure «secondaire» de la servante, qui devient ainsi un «intermédiaire» entre la maîtresse, qui «entretient vraisemblablement une liaison ou une relation amoureuse», et l’auteur ou le destinataire des lettres, explique le commissaire de l’exposition, Robert Fucci. À une époque en Europe où les femmes de certains milieux aisés étaient de plus en plus libres de choisir leurs amants, les servantes étaient des «témoins» de l’art épistolaire de la séduction, explique ce spécialiste de la peinture hollandaise du XVIIe siècle.

«C’est ce sentiment d’anticipation, d’attente qui s’intensifie, que Vermeer utilise comme point central de ces œuvres (…) auxquelles nous pouvons toujours nous identifier», ajoute Robert Fucci, en référence peut-être aux applications de rencontre via lesquelles des millions de personnes attendent la réponse d’un être «liké».

Bien que différentes par leur échelle, leur action et leur perspective, les trois œuvres créent des «récits énigmatiques», caractéristiques du travail de Vermeer, selon la présentation de l’exposition «Vermeer’s Love Letters», visible jusqu’à la fin du mois d’août dans ce musée qui vient de faire peau neuve.

Règlement de dette

Après environ cinq ans de fermeture pour des rénovations chiffrées à quelque 330 millions de dollars, la collection Frick de New York a rouvert ses portes en avril forte de dix nouvelles salles, aménagées au deuxième étage, dans les anciennes chambres privées de cette famille qui avait fait fortune à la fin du XIXe siècle dans le charbon et l’acier.

Deux des œuvres présentées – La Lettre d’amour et Femme écrivant une lettre et sa servante – semblent avoir occupé une place particulière dans la vie de l’épouse de Vermeer, Catharina Bolnes. Veuve avec onze enfants après la mort du peintre en 1675, elle a dû utiliser ces deux toiles pour régler une dette envers le boulanger, espérant un jour récupérer ces œuvres qui valent aujourd’hui une fortune.

L’exposition «Vermeer’s Love Letters» est la première consacrée au maître néerlandais à New York depuis 2001 et la première exposition originale que la collection Frick organise depuis sa réouverture. Cet hommage confidentiel contraste avec la plus grande rétrospective jamais dédiée au peintre du siècle d’or néerlandais en 2023. Le Rijksmuseum d’Amsterdam avait alors exposé 28 de la trentaine de toiles du maître, dont ses plus célèbres, La Laitière (1658) et La Jeune Fille à la perle (1665), pour cette exposition qui avait attiré des centaines de milliers d’esthètes. Pour la Canadienne Aimee Ng, commissaire d’exposition à la collection Frick, point de doute : «Vermeer continue de captiver et d’inspirer le public aujourd’hui».