La galerie Zidoun-Bossuyt présente la première monographie en Europe de l’artiste américain Jeff Sonhouse. Une plongée dans la question raciale qui enflamme les États-Unis.
L’artiste américain Jeff Sonhouse produit peu, c’est pourquoi il aura fallu attendre près de huit ans pour que la galerie Zidoun-Bossuyt présente une première exposition monographique de cet artiste phare de la scène afro-américaine. «Particulaars» entraîne le public dans son univers singulier où l’expérience personnelle, l’histoire de l’art, l’actualité et les clichés entrent dans un dialogue fascinant.
En pénétrant dans la galerie Zidoun-Bossuyt, au cœur du quartier du Grund à Luxembourg, on est tout de suite happé par ces personnages haut en couleur réalisés par l’artiste américain Jeff Sonhouse. Il y a, dans ses tableaux, un rythme, des couleurs et ce personnage central qui semble inviter à prendre part à son histoire et son univers. Cet univers, Jeff Sonhouse le développe depuis le début des années 2000, puisant son inspiration à la fois dans l’histoire de l’art mais aussi dans la culture populaire que constituent les magazines et les supports publicitaires.
«C’est un artiste très pointilleux, il travaille très lentement pour réussir à atteindre l’œuvre qu’il a en tête. Il travaille principalement sur la question de la place et de l’image des Afro-Américains aux États-Unis, c’est ainsi qu’il a créé ce personnage masqué ou affublé d’un chapeau que l’on retrouve dans quasiment toutes ses pièces», explique Anne-Solène Groppe, de la galerie. En effet, c’est cet étrange et fascinant personnage que l’on suit, toujours masqué, parfois recouvert de couleurs chatoyantes ou encore peint en blanc.
Iconographie du bon sauvage
Pour créer les traits de ce personnage, il s’est inspiré des représentations des Afro-Américains dans les magazines et les médias aux États-Unis. On retrouve ainsi un visage très carré aux lèvres extrêmement charnues, entre représentation virile et esthétique, en étroite relation avec les clichés que l’on peut entendre sur les Africains ou Afro-américains. La pièce centrale de son exposition «Particulaars» est sans aucun doute cet étrange drapeau américain aux couleurs panafricaines.
«Le noir symbolise la couleur de la peau, le rouge, le sang versé par les esclaves et le vert la nature africaine luxuriante et perdue», ajoute Anne-Solène Groppe. Sur ce drapeau, il a ajouté des visages sans visage, des têtes sur lesquelles il manque tous les éléments qui les rendent uniques : des yeux, un nez et une bouche. Il a affublé ces têtes d’allumettes qu’il a brûlées pour terminer son tableau, laissant les traces de fumée terminer l’œuvre et ajouter ainsi une dimension éphémère. Cette pièce maîtresse entraîne plus en profondeur dans ce qui le taraude, à savoir la question de la place des Afro-Américains aux États-Unis et leurs représentations dans la société.
On passe de l’absurde, avec ce personnage blanchi aux attributs sexuels remplacés par des fusils, à un bel arlequin nu, posé au milieu de la jungle luxuriante. Un beau clin d’œil au maître Picasso mais aussi aux clichés de l’homme noir, nu dans la nature, forcément tout en muscles. Les aplats de la jungle ne sont pas sans rappeler les tableaux du Douanier Rousseau ou l’iconographie du mythe du bon sauvage.
Et puis il y a ces deux tableaux, représentant des têtes empalées sur des piquets, faisant référence à la réalité que vivent les Afro-Américains aux États-Unis, toujours représentés comme une menace plutôt que comme une force ou bien même un citoyen égal aux autres. La récente actualité des bavures policières, suivies du mouvement national de contestation Black Lives Matter, l’a poussé à recréer cette iconographie où la tête de l’ennemi sur un piquet se fait à la fois avertissement du danger pour le peuple, mais aussi affirmation de la force des uns sur les autres.
Mylène Carrière
Galerie Zidoun-Bossuyt – Luxembourg. Jusqu’au 29 octobre.