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[Expo] Cuba vu par le photographe luxembourgeois Yvon Lambert


Marita Ruiter, la directrice de la galerie Clairefontaine, et le photographe Yvon Lambert. Deux passionnés de Cuba, chacun à leur manière. (photo Isabella Finzi)

Double réjouissance à la galerie Clairefontaine, qui expose des photographies sur Cuba lors de sa révolution, et d’autres, plus récentes, du Luxembourgeois Yvon Lambert, amoureux de La Havane.

Après deux expositions à Namur et Trèves et un livre sorti en 2007 (Lézardes), c’est la première fois que les clichés, très «humains», d’Yvon Lambert, sur Cuba et sa population, se dévoilent au Luxembourg.

Parfois, le hasard fait bien les choses. Alors que la galerie Clairefontaine comptait sortir des cartons ses photos sur la révolution cubaine, après le décès du Líder Máximo en novembre dernier, Yvon Lambert croise la route de Marita Ruiter, la directrice des lieux, qui lui permet alors d’exposer ses clichés, pris entre 1996 et 2000. À trois reprises, et durant six mois au total, le photographe luxembourgeois a en effet plongé au cœur de La Havane, ville aux mille couleurs que lui raconte en noir et blanc.

C’est que l’artiste a voulu dépassé les clichés véhiculés par la photographie, le cinéma et la musique pour s’intéresser aux Cubains et à leur quotidien. Et si quelques-unes de ses œuvres rappellent l’Histoire, notamment quand il retourne à Santa Clara pour les obsèques du Che Guevara et ses compagnons – après que leurs restes avaient été retrouvés en Bolivie – l’ensemble de son travail se tourne vers les gens, simples et bienveillants. Autant de scènes de vie touchantes. Entretien.

Le Quotidien : Qu’est-ce qui vous a amené à Cuba?

Yvon Lambert  : L’Histoire, sûrement! J’ai toujours suivi de près la situation politique de cette île si particulière. Dans le temps, je faisais régulièrement des stages avec des photographes amateurs. Deux d’entre eux m’ont proposé, en 1996, de les accompagner dans une grande ville à l’étranger. Et on s’est alors tournés vers La Havane. Cette première me réjouissait! Ils y sont restés dix jours, durant lesquels je les ai aidés dans leur travail. Moi, je suis resté un mois supplémentaire. Et j’y suis retourné deux fois… Cuba m’a toujours attiré.

Même ceux qui n’y sont jamais allés ont de la ville cette image pittoresque véhiculée par la photographie, le cinéma et la musique, avec le Buena Vista Social Club. Comment, alors, ne pas tomber dans le piège du cliché?

En effet, c’est un problème majeur. À mes yeux, pour éviter les images d’Épinal, il faut aller à la rencontre des gens. Mon travail est, finalement, très humain. Ce qui m’intéresse, de toute façon, c’est le peuple. J’ai alors essayé, lors de mes séjours, de me rapprocher de la population, de tisser des liens… Je crois que mes photos expriment bien cette immersion. Bon, c’est vrai, de temps en temps, on peut y voir une vieille voiture des années 50, mais ça ne résume pas La Havane. Je ne fais pas dans l’exotisme! L’important, c’est l’atmosphère, la lumière, les mouvements et, bien sûr, les gens.

Est-ce aussi pour cette raison que votre travail est uniquement en noir et blanc?

Cuba, comme La Havane, sont des endroits très colorés. C’est quelque chose qui se sait, d’ailleurs, et qu’il peut être tentant de saisir pour un photographe. Esthétiquement, en effet, ça se tient. Mais c’est oublier l’essentiel. La couleur, selon moi, c’est comme un paquet bien enveloppé, mais avec rien dedans! Il faut plutôt aller au cœur des choses.

Qu’est-ce que ça implique?

Une photo doit raconter une histoire, poser des questions, même si son interprétation reste libre. Et pour nouer des relations, il faut fréquenter le même quartier, que les gens commencent à vous connaître, à discuter avec vous… Et même si je parle très peu espagnol, la communication, dans ces conditions-là, devient facile. Dans ce sens, je me suis toujours bien senti à La Havane.

Comment voyez-vous cette ville?

Elle est extraordinaire, ne serait-ce que par son architecture. Elle a aussi un côté très populaire. Dans les rues, il y a toujours quelque chose qui se passe, de jour comme de nuit. C’est également pour cette raison que j’aime une ville comme Naples. À La Havane, l’ambiance ne s’arrête jamais, et les gens sont accueillants, vivants, chaleureux, cultivés, même s’ils possèdent peu.

Y a-t-il une photo que vous appréciez le plus?

(Il pointe du doigt celle d’un père levant son enfant au ciel) À ce moment il est tard le soir et je fais quelques clichés avant de rentrer. Là, le père me voit et soulève son gosse pour que je les prenne en photo. Un vrai moment d’amour et de partage. Ici, au Luxembourg, je n’aurais jamais pu la faire. Les gens sont bien trop effrayés à la vue d’un appareil.

Après une première exposition à Namur et une seconde à Trèves, vos photos de Cuba se dévoilent pour la première fois au Luxembourg. Qu’est-ce que ça vous fait?

C’est un grand plaisir de voir que ces photos revivent. Et avec Trump qui arrive, les espoirs que l’embargo prenne fin…, il est important de parler de Cuba et d’espérer que sa situation s’améliore.

Avez-vous été touché par la mort de Castro, en novembre dernier?

Personnellement, non. Mais pour le peuple cubain, et même les plus jeunes qui n’ont pas connu les heures de la révolution, c’était un évènement historique. Après, quoi penser? C’est difficile vu toutes les informations qui se cumulent et se contredisent. Le mieux, c’est d’aller sur place pour se faire une idée.

Alors, vous y retournez quand?

(Il rit) C’est clair que j’aimerais y retourner, et peut-être pour faire de la couleur! Qui sait?

Grégory Cimatti

«Cuba», d’Yvon Lambert. Galerie Clairefontaine -Luxembourg. Jusqu’au 25 février.