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Esch prend des couleurs


Au croisement des rues Albert-Lebrun, Gambetta et Foch, à Villerupt, l'artiste urbain lorrain Mantra s'est chargé d'«embellir» une façade privée. (Photo : DR)

Depuis 2014, «KuFa’s Urban Art» mêle art et pédagogie pour mettre des couleurs sur les murs de la ville d’Esch-sur-Alzette. Un projet de dynamisation urbaine qui prend de la carrure et s’ouvre à la Grande Région.

Artistes branchés street art, lycéens, politiques et associations: tous s’unissent pour faire de la Métropole du fer (et certaines de ses voisines à un laboratoire artistique à ciel ouvert pour valoriser et dynamiser l’espace public.

Longtemps réduit aux activistes de la bombe aérosol, qui ont fait son histoire, aujourd’hui, l’art urbain (ou street art), devenu multiforme, a acquis ses lettres de noblesse. Banksy est un des artistes les plus en vogue, et bon nombre de ses pairs sont désormais invités à «squatter» les musées et font le bonheur du marché de l’art. Un mode d’expression, à l’essence clandestine, éphémère et contestataire, qui s’ouvre dorénavant au grand public, au point que les villes, un peu partout dans le monde, en usent pour mettre en place de nouvelles politiques de dynamisation urbaine, aux enjeux sociaux et environnementaux.

On songe à Bogota (Colombie), Prague (République tchèque) ou encore à Bristol (Angleterre) (sans oublier les classiques Londres-Paris-New-York-Berlin) un peu moins à Esch-sur-Alzette, qui vient pourtant de se lancer dans cette mode avec le tentaculaire «Urban Art». Un peu par hasard, d’ailleurs. «Au départ, il s’agissait de refaire la cour de la Kulturfabrik», instigatrice du projet, rappelle l’organisation. Mais de fil en aiguille, de collaborations aux implications scolaires, l’idée a pris de la carrure et voilà qu’est né, en 2014, un programme combinant «enjeux artistiques et actions pédagogiques», précise Serge Basso, directeur de la KuFa, impliquant 70 lycéens et une douzaine d’artistes, européens et luxembourgeois.

Les bases étaient posées et devant le succès de l’initiative, les cinq acteurs majeurs (la KuFa, donc, mais aussi l’ASBL Art Square, le service jeunesse et la commune d’Esch-sur-Alzette, ainsi que le lycée Bel-Val) ont voulu donner plus de poids à cet enjolivement, désirant ancrer l’art urbain sur le long terme dans tout le territoire eschois. Ainsi, depuis cet été, des artistes se sont exprimés sur des murs mis à leur disposition, «de grandes surfaces situées dans les lieux de passage», précise Fred Entringer, coordinateur, afin que «l’impact visuel sur la ville et ses habitants soit le plus grand possible».

«J’ai un mur chez moi. Vous venez le peindre?»

Du kiosque au parc du Galgenberg au parvis du Belval Plaza en passant par la Maison Mousset, la commune d’Esch-sur-Alzette dévoile les prémices de ce qui devrait devenir, selon l’organisation, un laboratoire artistique à ciel ouvert. Et puisque l’art n’a pas de frontières, Villerupt a rapidement rejoint le projet (on parle, demain, de Wiltz, Longwy et Trèves). Différentes techniques (peinture, collage, pochoir, mosaïque, sculpture) au service d’une cause commune : valoriser et dynamiser l’espace public. Avec, de surcroît, une orientation citoyenne et pédagogique, entre «culture et éducation». «L’objectif n’est pas d’inviter un artiste avec son marqueur pour qu’il fasse un tag!, souligne Magdalena Jakubowska, à la tête d’Art Square. Non, il doit partager avec le public, les habitants et les jeunes étudiants», dit-elle, avouant rêver d’une «agora» où les échanges et discussions seraient riches et nombreux.

C’est sur cette utopie que se sont construites les prochaines étapes de «KuFa’s Urban Art», programmées en 2016 (voir ci-dessous) et basées sur l’exploration de la ville d’Esch-sur-Alzette et de son patrimoine minier et industriel. Un projet à multiples entrées qui semble plaire à ses acteurs : politiques locaux, habitants, artistes, jeunes en décrochage scolaire, professeurs… Du côté de la Métropole du fer, on se plaît déjà à rêver d’un parcours touristique qui, à travers ces œuvres, raconterait l’histoire de la ville – pour 2022 et la convoitée année culturelle? Et peut-être que demain, dans les ruelles et quartiers, fleurira ce commentaire, déjà entendu récemment : «J’ai un mur chez moi. Vous venez le peindre?»

Grégory Cimatti