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« Éperdument », l’histoire d’un amour impossible dans une prison


Le directeur de prison tombe amoureux de la détenue. Une histoire d'amour interdite inspirée de faits réels.

Un directeur de prison et une détenue tombent amoureux l’un de l’autre. La passion derrière les murs, un sujet osé, pour Éperdument, le troisième film de Pierre Godeau.

Résumée, c’est une histoire qu’on peut raconter en quelques mots. Un homme et une femme. Un directeur de prison et une détenue pour un amour impossible. Voilà, c’est Éperdument, troisième film du réalisateur français Pierre Godeau, après Juliette (2013) et 11.6 (2013). Un film inspiré d’une histoire vraie et adapté de Défense d’aimer, le roman de Florent Gonçalves, dans lequel l’auteur, directeur de prison, racontait son histoire d’amour avec Emma A., l’appât du «gang des barbares» qui, en 2006, avait séquestré puis torturé à mort un jeune juif de la région parisienne, Ivan Halimi.

À de nombreuses reprises, le réalisateur avait montré à des producteurs sa véritable fascination pour ce fait divers. Et d’emblée, il annonçait que si le film dépassait le niveau du projet, il voulait le tourner dans une véritable prison, celle de la Santé, à Paris. Ce qui fut fait : «Ainsi, on a pu profiter d’un cadre plus vrai que nature, glisse Pierre Godeau. Tourner à la prison de la Santé a été une vraie chance. Nous y avons passé six semaines dans un huis clos terrible, sans entendre aucun des bruits de la ville.»

«Il voudrait ressembler à Keanu Reeves!»

Mieux : avant même le tournage, chaque semaine pendant quatre mois, le réalisateur et son actrice principale, Adèle Exarchopoulos, sont allés à la prison pour femmes de Fleury-Mérogis (banlieue parisienne). Là, ils ont animé un atelier avec une quinzaine de détenues et projeté des films. Ensuite, le groupe rejouait les scènes qu’il venait de voir avec l’actrice devant la caméra de Godeau, lequel confie : «Lors du tournage, il me suffisait d’échanger un regard avec Adèle pour savoir si la séquence qu’on venait de tourner était juste ou non. Ces séquences, nous les avions vécues!»

Donc, à l’écran, Jean, le directeur de la prison, et Anna, la détenue. Le directeur tombe amoureux de la détenue – sujet osé, tout comme le parti pris du réalisateur qui explique que le droit d’aimer est pour tous. Jean est marié et père de famille; Emma est très jeune, elle attend son jugement pour un crime qui peut la condamner à une peine ferme de dix ans d’emprisonnement. Avec habileté, Pierre Godeau n’évoquera jamais tout au long d’Éperdument le pourquoi de la présence d’Anna dans cette prison dirigée par Jean. Pas une seule référence au crime commis par ce gang dont faisait partie la jeune fille.

Au hasard d’images et de plans, deux, voire trois répliques peuvent suggérer qu’Anna a commis (ou participé à) un acte impardonnable mais, avant même que ne débute leur «love story», Jean assure à la jeune femme : «Ce que vous avez fait ne me regarde pas. Je ne suis pas là pour vous juger, mais pour que tout se passe bien.» Dans les habits du directeur compréhensif et bienveillant : Guillaume Gallienne, 44 ans, sociétaire de la Comédie-Française, deux Molières, en 2010 et 2011, et quatre Césars en 2014.

«Jean devait avoir quelque chose d’un peu faux, de tronqué, explique l’acteur. J’avais dit à l’équipe maquillage-coiffure : « Il voudrait ressembler à Keanu Reeves, il essaie, pense avoir réussi, mais, en réalité, ça ne fonctionne pas. » Il porte un costume noir mais, bon, il a une Seiko au poignet et des chaussures merdiques. D’où, aussi, le lissage brésilien pour les cheveux!»

Face puis avec Jean, Anna, interprétée par Adèle Exarchopoulos, – un «animal cinématographique», selon Gallienne. À elle, on lui donnerait le diable et le bon Dieu sans confession! Et tous deux vont s’aimer éperdument. À l’écran, le couple Gallienne- Exarchopoulos fonctionne parfaitement. Ce qui sauve en grande partie un scénario un peu juste…

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan

Éperdument, de Pierre Godeau. (France, 1 h 50) avec Guillaume Gallienne, Adèle Exarchopoulos…