Gants aux poings, ils se battent sur un ring. Ces boxeurs ? Des orangs-outans en vedette d’un spectacle pour touristes à Bangkok. Mais en Thaïlande, certains tentent de faire évoluer le tourisme animalier, notamment avec des camps d’éléphants modèles.
Chaque matin les touristes, majoritairement asiatiques, se pressent pour assister à un des spectacles phare de Safari world, un zoo près de Bangkok: accrochés à une tyrolienne tendue au-dessus des spectateurs, les singes débarquent sur scène les uns après les autres.
Affublés de shorts de combat, ils n’hésitent pas à caricaturer les humains et leurs excès. Au programme: combat de boxe thaïe mais aussi sexe et alcool.
«C’est une des choses les plus drôles que j’aie jamais vue ! C’est incroyable ce qu’ils peuvent faire», s’enthousiasme dans les gradins Aïcha, une touriste srilankaise de 23 ans.
Les femelles orangs-outans, affublées d’une mini-jupe et d’un bikini, sont quant à elles censées aguicher des singes musiciens. L’arbitre humain est tourné en ridicule, pendant qu’autour du ring, les singes jouant le rôle des supporters multiplient les bières.
Véronique Servais, anthropologue à l’université de Liège, en Belgique, explique cette survivance, dans certains pays comme la Thaïlande, de «ce qui pouvait se faire dans les cirques européens au XIXème siècle». Il fut un temps, en Europe aussi, où l’on «montrait des singes buvant du thé et cela plaisait énormément», car cela permettait de «mimer nos travers», dit-elle.
Mais parmi les touristes de Safari World, certains sont déçus par ce spectacle pourtant recommandé dans leurs guides de voyage. «Je ne comprends pas l’intérêt de dresser des animaux à être violents et sales !», critique Erwin Newton, une Américaine de 30 ans.
Première loi de protection des animaux
Au-delà du spectacle à vocation burlesque de Safari World, les combats d’animaux restent courants en Thaïlande. Singes, coqs, serpents et même insectes font toujours l’objet de soirées où les Thaïlandais parient sur les gagnants.
De petites associations de défense des animaux locales ont réussi à faire adopter une première loi de protection des animaux en 2014, une avancée majeure dans un pays connu pour être une plaque tournante du trafic illégal d’animaux, notamment d’ivoire.
Les voyagistes constatent une évolution des demandes de certains clients, de plus en plus intéressés par de nouvelles attractions touristiques s’affirmant plus soucieuses du bien-être de l’animal.
«J’ai confiance dans le fait qu’il ne restera bientôt plus qu’un tourisme respectueux des animaux», assure Chi Lo, de l’association PATA, regroupement d’acteurs du tourisme en Asie.
La majorité des millions de touristes se rendant chaque année en Thaïlande continuent de visiter certains sites controversés, comme le Tiger temple à l’ouest de Bangkok, où ils peuvent se faire photographier enlacés avec des tigres qui, selon les défenseurs des animaux, sont drogués.
De même, les camps où les éléphants sont entravés par des chaînes et passent la journée à transporter sur leur dos des groupes de vacanciers perdurent malgré les critiques.
Dans ce pays qui compte plusieurs milliers d’éléphants domestiques, la plupart employés dans le secteur du tourisme, «ceux-ci travaillent tous les jours, tous les mois, 365 jours sur 365», accuse Edwin Wiek, un défenseur des animaux.
«Si vous deviez faire la même chose, vous seriez stressés. C’est la même chose pour les éléphants. A un moment, ils deviennent fous et on ne peut plus les contrôler», insiste-t-il.
Il y a quelques jours, dans l’un de ces camps, un éléphant a tué son guide en pleine balade avant de s’enfuir dans la jungle avec trois touristes sur son dos. Pourtant, certains pionniers comme «l’Elephant nature park», un parc du nord du pays, proposent une alternative pour passer une journée avec les pachydermes.
La classique balade à dos d’éléphant, sur une plateforme fixée à son dos, n’est pas au programme. Les touristes en visite prennent le titre de cornac bénévole d’un jour. Leur rôle : nourrir, soigner les éléphants et apprendre à monter à cru pour les conduire au bain, sans les blesser.
Certains comme le Boon Lott’s Elephant sanctuary, près de Sukhothai, dans le centre de la Thaïlande, vont même jusqu’à proposer d’observer les éléphants dans la forêt, en milieu naturel, en «immersion totale», en simple observateur de l’animal.
«C’est bien pour les éléphants et pour les humains car il n’est plus question de l’homme qui veut les nourrir ou les baigner. Il est question d’éléphants agissant naturellement», salue Carol Buckley, fondatrice de l’association Elephant aid international, qui a mené un projet pour désentraver les éléphants de ce camp de leurs classiques chaînes de fer.
AFP/M.R