Des soldats macédoniens quadrillent la zone frontalière par une pluie torrentielle à la recherche de migrants qui, bloqués en Grèce depuis la fermeture de la «route des Balkans», cherchent désespérément à pénétrer en Macédoine et poursuivre leur route vers l’Europe occidentale.
Des véhicules blindés de l’armée avancent péniblement par des chemins boueux dans cette zone à proximité de Gevgelija (sud), parsemée de paisibles vignobles.
De l’autre côté de la frontière, les soldats peuvent apercevoir une multitude de tentes de toutes les couleurs, logis de fortune des migrants coincés aux portes de l’Europe. Sur des fils étirés entre les tentes, certains s’efforcent tant bien que mal de faire sécher du linge. «C’est dur pour nous, mais aussi pour eux. Je vois les enfants de l’autre côté, je comprend que c’est dur, j’ai moi-même deux enfants», confie Marko, 34 ans, un des soldats de la patrouille.
«Mais nous devons faire notre travail et protéger notre pays», ajoute-t-il. La Macédoine, petite ex-république yougoslave de deux millions d’habitants candidate à l’adhésion à l’UE et à l’Otan, a déployé depuis août dernier des troupes à ses frontières septentrionales pour mieux contrôler le flux des migrants et notamment prévenir des passages illégaux sur son territoire.
La fermeture, mercredi dernier, de la «route des Balkans» a eu pour conséquence de bloquer en Grèce quelque 43 000 migrants. Plus de 10 000 d’entre-eux sont actuellement dans le camp d’Idomeni, dans le nord de la Grèce, à la frontière avec la Macédoine, dans des conditions misérables.
«Je n’arrive pas à comprendre qu’un petit pays comme le mien soit le principal point de défense de l’Europe qui, de son côté, est incapable de trouver une solution pour tous ces gens qui souffrent», lâche un soldat macédonien qui dit avoir 42 ans mais refuse, comme la plupart de ses camarades d’armes, de donner son identité.
Tentatives désespérées
Dans l’attente d’une solution, des résultats des négociations entre l’UE et la Turquie, des migrants, à bout de patience, entreprennent des pas désespérés. Exaspérés par les conditions de vie au camp d’Idomeni, 1 500 migrants ont réussi brièvement lundi à pénétrer illégalement en territoire macédonien où les troupes de Skopje les ont intercepté. Trois Afghans, dont deux femmes, l’une enceinte, ont péri noyés lors de cette tentative avortée.
«Nous ne savons jamais ce qui pourrait se passer, si les migrants se précipitaient sur nous, nerveux, affamés et frigorifiés. Les tensions sont grandes», déclare Milan, 29 ans, soldat d’une unité macédonienne d’infanterie mécanisée. Les troupes déployées, qu’une correspondante a pu accompagner, se déplacent en véhicules blindés et sont armés d’armes automatiques qu’elles ne sont autorisés à utiliser «qu’en dernière instance, en cas de légitime défense si leurs vies sont en danger», précise un major de l’armée.
L’accumulation des tensions depuis le début de la crise à donner lieu à des débordements et les forces de l’ordre macédoniennes ont fait l’objet de vives critiques à plusieurs reprises en raison de «brutalités» occasionnelles envers les migrants.
En février, Human Rights Watch les avait dénoncé ainsi que l’utilisation de gaz lacrymogène contre des migrants qui tentaient d’entrer de force en Macédoine. Des migrants s’étaient plein lundi encore d’avoir été victimes de brutalités ce que Skopje énergiquement démenti. D’autres incidents sont à craindre si ce face à face perdure, d’autant que les autorités à Skopje notent une augmentation du nombre de tentatives d’entrées illégales sur son territoire.
«Question à un million de dollars»
Ce que réserve l’avenir «est une question à un million de dollars», indique le ministre macédonien de la Défense Zoran Jolevski, prônant «une stratégie globale» pour répondre à la crise migratoire.
«Je serai plus qu’heureux de voire la situation se calmer et de pouvoir retirer l’armée de la frontière», assure le ministre ajoutant que la Macédoine se comporte en «partenaire crédible de la communauté internationale» dans la manière dont elle gère la crise.
Des État membres de l’UE, tels, la Slovénie ou encore la Hongrie, ont dépêché des renforts policiers pour épauler la police macédonienne à la frontière avec la Grèce et Bruxelles a déboursé dix millions d’euros pour aider la Macédoine à faire face à la crise migratoire.
Mais le président Gjorge Ivanov a récemment fustigé le comportement de l’Europe, assurant, dans une interview au journal allemand Bild, que son pays avait dépensé 25 millions d’euros «pour payer les erreurs de l’UE» sans recevoir «le moindre sous» en retour.
Le Quotidien/AFP