Joliment orchestré par Emmanuel Courcol, En Fanfare est le «feel good movie» de cette fin d’année. Partition rythmée, acteurs virtuoses et accord parfait entre comédie et drame. Sans fausse note.
Sous le ciel du Nord, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin donnent vie à une histoire délicate et enthousiasmante de résilience et de fraternité dans En Fanfare. Le premier incarne Thibault, un chef d’orchestre réputé. Toujours entre deux concerts à l’autre bout du monde, sa vie est «mise sur pause» lorsqu’on lui découvre une maladie grave.
Seule chance d’en réchapper : trouver un donneur compatible de moelle osseuse. Il semble condamné. Jusqu’à ce qu’il découvre, par chance, que ses parents l’ont adopté bébé. Et qu’il a un frère biologique, Jimmy (joué par le second), qui vit chez sa mère, peine à boucler les fins de mois et passe son temps libre dans une fanfare amateur.
Deux destins que tout sépare, façon La vie est un long fleuve tranquille. Grognon au grand cœur, Jimmy accepte de sauver Thibault, qui ne sait vraiment pas comment le remercier. Ça tombe bien : la fanfare, fierté d’une bourgade minière frappée par la misère et la désindustrialisation, cherche désespérément un chef d’orchestre pour se relancer…
Le film, hymne à la solidarité au-delà des classes, inspiré des comédies sociales à l’anglaise, du genre The Full Monty, mais en plus délicat. Il est tourné à Lallaing, près de Douai (Nord de la France). Avec une vraie fanfare, de nombreux acteurs musiciens, dont Jacques Bonnaffé, et des débutants ou non professionnels.
«Éminemment chaleureux»
Leur rencontre a marqué Benjamin Lavernhe. «Je me suis vraiment retrouvé devant la fanfare de Lallaing, avec une baguette, à devoir la diriger sur Aïda de Verdi ! J’étais sincèrement touché, décontenancé», raconte l’acteur. «Il y a tout de suite du plaisir, une joie de la fanfare, c’est un mélange de générations ! De voir sur les murs les photos d’il y a 150 ans, d’anciennes générations qui travaillaient dans les mines et les industries textiles, et qui créent un lien social, une espèce d’exutoire collectif, on a l’impression d’arriver dans une Histoire, celle de cette région», se remémore-t-il.
Si le film évite adroitement les stéréotypes, il n’en rend pas moins hommage au milieu ouvrier et aux liens humains dans le bassin minier. «Il y a quelque chose d’éminemment chaleureux. C’est un cliché du Nord, mais on le vérifie», assure Benjamin Lavernhe. «Le contact est simple et direct», abonde le réalisateur, Emmanuel Courcol, qui souhaitait surtout «ne pas trahir» les membres de la vraie fanfare.
«Quand j’ai parlé du projet, ils étaient un peu surpris, parce qu’ils ont une petite méfiance du cinéma, c’est-à-dire de la représentation de la région», associée pour des millions de spectateurs à l’humour de Dany Boon et Bienvenue chez les Ch’tis, tourné à moins de 100 kilomètres.
«On est là ensemble!»
«C’est quand même une région qui souffre d’un manque de considération, et donc ils avaient peur de la caricature», ajoute-t-il. Le long métrage entend parler «à tout le monde», au-delà des clivages politiques d’une France fracturée, poursuit le cinéaste. «Parce que c’est un film qui parle de fraternité et de bienveillance. On est là ensemble!». Fait notable, l’œuvre accorde une belle place à un acteur porteur de handicap mental, Antonin Lartaud, membre à part entière de la fanfare.
Réalisateur en 2020 de Un triomphe, ancien acteur et scénariste (Welcome, Au nom de la terre), Emmanuel Courcol a monté les marches de Cannes pour son film, sélectionné dans la catégorie Cannes première. Une consécration pour celui qui ambitionne de faire vivre «un cinéma d’auteur populaire».
«On est toujours à cheval entre deux trucs. Et, en France, on n’aime pas ça. Il y a d’un côté le cinéma d’auteur, où parfois on souffre en tant que spectateur (il rit). Et le cinéma populaire, où on est plus dans des grosses ficelles. Je suis un peu sur la ligne de crête, entre les deux. Mais, quand c’est réussi, ça parle à tout le monde!».
En Fanfare, d’Emmanuel Courcol.