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En Équateur, 7 000 baskets et autant d’histoires


En 45 ans, le collectionneur équatorien Esteban Del Hierro a accumulé quelque 7 000 baskets aux design, couleurs et histoires divers. Des légendes du football aux emblèmes des gangs, chaque paire de chaussures a une histoire à raconter.

«Chaque paire évoque une certaine période de la vie de ces personnes, mais également une période de notre réalité dans son ensemble, de l’histoire», explique Esteban Del Hierro, qui a accumulé plus de 7 000 paires de «sneakers» au cours des 45 dernières années.

«Le fait de marcher est une partie essentielle de nos vies», souligne-t-il. L’Équatorien de 55 ans finance ses achats grâce à ses fonds personnels et souhaite désormais faire don de sa collection au profit du monde de l’art et du sport.

Sur une colline au nord de Quito, un logement d’environ 400 m2 est entièrement pensé pour accueillir sa collection sur des rangées d’étagères d’une longueur totale de 3,3 km, où l’on navigue par des couloirs étroits. Elles contiennent environ 5 500 paires. «Ça a une odeur de magasin de chaussures, pas de pieds», plaisante-t-il.

Esteban Del Hierro loge dans une maison voisine qui contient, elle, 1 500 paires, dit-il en présentant un exemplaire de Nike Cortez, célèbre modèle créé en 1972 en l’honneur du conquérant espagnol Hernan Cortés, souvent porté par les membres du redoutable gang Mara Salvatrucha (MS-13) au Salvador.

L’amateur de baskets montre cette paire blanche style rétro, avec son emblématique «Swoosh» (logo Nike) couleur céleste : c’est le premier modèle de la sorte. La paire a aussi été utilisée au cinéma, notamment dans Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994) lorsque le personnage principal, incarné par Tom Hanks, entreprend de courir pendant trois ans sans s’arrêter.

Le MS-13 arbore des Cortez «comme (les) tatouage(s)» qui le caractérisent, explique Esteban Del Hierro, en précisant que des couleurs distinctes sont associées aux différents territoires du gang.

Les Latin Kings, gang d’origine américaine qui opère dans plusieurs pays, a adopté lui comme emblème d’appartenance les Timberland à la languette inversée. Elles figurent aussi dans la collection d’Esteban Del Hierro, tout comme d’autres paires de marques Adidas, Puma, Reebok, Gucci ou Louis Vuitton.

Le lieu est parsemé de modèles qui peuvent paraître étonnants, notamment des collaborations inattendues avec des marques de voitures de luxe : Ferrari, Porsche, Mercedes-Benz… Des chaussures bateau Skipper, «emblématiques en Amérique latine», selon le collectionneur, intègrent également ses possessions. Le modèle a été porté par le mythique «boys band» portoricain Menudo et des groupes argentins de «cumbia villera», un genre musical né à Buenos Aires.

Certaines baskets sont devenues des objets de collection et rapportent des millions aux vendeurs en vertu d’un marché florissant et d’une abondance de ventes aux enchères. «C’est là la puissance de la mode», se réjouit Esteban Del Hierro, qui a acheté sur crédit une paire d’Adidas TRX à l’âge de dix ans, sa première paire de marque étrangère qu’il a conservée. Il espère se voir attribuer un record homologué par le Guinness grâce à son immense assortiment : le record actuel est de 2 388 paires appartenant à l’Américain Jordy Geller.

Sa collection comprend environ 1 000 paires de chaussures de football, dont certaines fabriquées à partir de peau de kangourou, ou du même type que celles portées par des joueurs légendaires comme Pelé ou Maradona.

Selon lui, il n’existe pas de record de collection de chaussures de football et la sienne pourrait lui valoir un tel titre. Une autre paire attire l’attention : les chaussures en fibre de carbone produites en 2008 pour le footballeur Cristiano Ronaldo. C’est la 147paire des 999 mises en vente au public pour ce modèle précis.

Esteban Del Hierro aimerait créer un musée et un centre culturel urbain afin de soutenir les artistes, sportifs, enfants et jeunes membres des gangs en espérant leur permettre de renoncer à l’illégalité. «Les chaussures ont une symbolique très intéressante.» Par exemple, les chaussures noires du pape François seraient «un symbole d’humilité», note-t-il.

L’ancien président équatorien libéral-conservateur Guillermo Lasso (2021-2023), qui a désormais 68 ans, portait une paire de tennis rouges durant sa campagne afin de conquérir les jeunes électeurs.

Donald Trump, ancien président des États-Unis et candidat à la prochaine élection, a lancé en février sa ligne de chaussures de sport, couleur dorée, décorées de la bannière étoilée du drapeau américain. «Les chaussures laissent des empreintes. Elles sont un élément essentiel de l’être humain», conclut le collectionneur.

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