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En Chine, le regard des parents sur leurs enfants gays commence à changer


L'architecte Duan Rongfeng a épousé son compagnon à l'étranger il y a deux ans pour échapper à la pression familiale. (photo AFP)

Quand son fils lui a appris qu’il préférait les garçons, Piao Chunmei a réagi comme beaucoup de mamans chinoises : des larmes et des nuits sans dormir. Et puis elle a fini par se faire une raison. Un grand pas en avant, quand tant d’autres vivent l’homosexualité de leur enfant comme une honte.

Aujourd’hui, elle s’occupe d’une association qui aide d’autres parents à accepter l’orientation sexuelle de leur enfant, dans un pays qui classait encore officiellement l’homosexualité comme une maladie mentale jusqu’en 2001 et où l’absence d’héritier reste mal vécue. « Il ne faut pas les enfermer dans un placard pour qu’on ne les voie plus », tranche cette dynamique quinquagénaire, qui travaille à Shanghai dans le secteur des cosmétiques.

Et elle n’est pas toute seule désormais à vouloir protéger un fils ou une fille homosexuel(le). Le mois dernier, un groupe de mères a fait sensation dans la capitale économique chinoise en s’installant dans un parc où les parents d’enfants hétérosexuels se donnent rendez-vous pour trouver l’âme sœur à leur rejeton et où la tradition des mariages arrangés a la vie dure. Sauf que les mamans en question cherchaient des partenaires pour leur enfant gay. La police les a accompagnées vers la sortie.

Pression familiale et sociale

Pékin a dépénalisé l’homosexualité en 1997, mais les unions homosexuelles ne sont pas autorisées légalement en Chine continentale et ne sont pas près de l’être. Et ce, alors même que la cour suprême taïwanaise vient d’autoriser les mariages entre personnes du même sexe – une première en Asie. Les gays et lesbiennes chinois font encore l’objet d’une très forte pression familiale et sociale. Les contenus gays sont largement censurés sur internet. Et des cures censées « guérir » l’orientation sexuelle prospèrent malgré des décisions de justice les condamnant.

Dans les grandes villes, l’homosexualité est toutefois de mieux en mieux acceptée. Mais faire son coming-out y reste très compliqué, surtout à la maison. « La famille, c’est le plus important sur le plan émotionnel, c’est aussi ce qui est le plus difficile à percer », témoigne l’architecte Duan Rongfeng, qui a épousé son compagnon à l’étranger il y a deux ans.

La réaction initiale de Piao Chunmei reflète un manque de connaissance courant chez les parents. Elle s’est demandée si elle ne l’avait pas trop couvé quand il était petit, ou bien s’il avait été corrompu à l’université ou par des étrangers. Elle lui a demandé de suivre un traitement médical. Mais après avoir entendu parler des suicides d’homosexuels, elle s’est ravisée. « J’ai eu peur qu’il disparaisse sous mes yeux », raconte-t-elle. Aujourd’hui, aux parents qui la joignent par téléphone, en personne ou sur les réseaux sociaux, elle répète inlassablement la même chose : vous ne pourrez pas transformer votre enfant. « Je donnerais ma vie pour qu’il change », dit-elle encore de son propre fils. « Mais c’est impossible. »

La peur de « perdre la face »

A Shanghai, traditionnel laboratoire social chinois, de plus en plus de parents acceptent la réalité et les familles se retrouvent plus fortes qu’au début, observe Piao. La vie reste toutefois plus compliquée en dehors des grandes villes. Craignant d’être rejetés, cette mère et son fils ont eux-mêmes quitté le nord-est de la Chine il y a déjà plusieurs années pour s’installer dans la métropole de l’est du pays. Ils vivent dans un appartement remplis de figurines de dessins animés et de livres qui traitent de l’homosexualité.

Le réseau d’aide de Piao est affilié au PFLAG, une association américaine dont l’acronyme signifie « Parents, familles et amis de lesbiennes et de gays ». Il a aidé une autre maman, He Fenglan, à sortir du désespoir après le coming-out de son fils, il y a trois ans. « La première chose à laquelle j’ai pensé, ça a été : comment vais-je faire face au reste de la famille ? A la société ? Aux amis proches ? », raconte cette femme de 55 ans. En Chine, la peur de « perdre la face » reste prégnante, souligne-t-elle. « Et puis on se rend compte que de plus en plus de gays sortent du placard, ainsi que leurs parents. On s’aperçoit qu’on n’est pas tout seul au monde. » He Fenglan a fini par embrasser l’identité de son fils avec un optimisme bien chinois : « Maintenant j’ai deux fils pour le prix d’un ! »

Le Quotidien/AFP