Camper une patronne française sexy et caustique dans Emily in Paris n’a pas seulement permis à Philippine Leroy-Beaulieu de relancer sa carrière. À 59 ans, la Franco-Italienne est la vraie star de la série Netflix.
Sur Netflix, on peut voir Philippine Leroy-Beaulieu à la fois dans les trois premières saisons de Dix pour cent (pour laquelle le réalisateur Cédric Klapisch avait fait appel à elle alors que sa carrière était à l’arrêt), dans la dernière saison de The Crown et, bien sûr, Emily in Paris, qui a lancé la comédienne de 59 ans à l’international.
Dans la série de Darren Star (créateur de Sex and the City), dont la saison 3 est sortie la semaine dernière, elle campe Sylvie Grateau, une directrice d’agence de marketing de luxe française qui accueille avec réticence Emily Cooper (Lily Collins), venue des États-Unis. Un personnage infusé de clichés américains sur la Parisienne : chic, mince, dédaigneuse, juchée sur des talons interminables, cigarette à la bouche.
Mais sous ses airs de patronne cassante et femme fatale, le personnage vient taquiner les injonctions de la société à l’égard des femmes de plus de 50 ans. «Le message sous-jacent de la série, c’est que peu importe l’âge et l’histoire des gens, Darren prône une certaine liberté des personnages», affirme Philippine Leroy-Beaulieu. «Ces personnages disent qu’il faut briser certaines étiquettes, que les gens sont multifacettes, on n’a pas à les juger», ajoute-t-elle.
Ne pas surinterpréter
Dans la saison 2, Sylvie Grateau entamait une liaison amoureuse avec un photographe plus jeune qu’elle et essuyait une remarque d’une serveuse qui prenait l’homme pour son fils. «Dans la saison 3, on (voit) davantage sa vulnérabilité», dit l’actrice. La vie sexuelle de femmes autour de la cinquantaine est à l’écran actuellement avec des films où Emma Thompson (Good Luck to You, Leo Grande) et Cécile de France (La Passagère) nouent des relations avec des hommes plus jeunes. «Qu’on arrête de ne montrer que des femmes jeunes comme objets de désir», confiait Cécile de France récemment au magazine Elle.
Pour Philippine Leroy-Beaulieu, il ne faut toutefois pas surinterpréter la série et les personnages. Un jour, «Darren m’a demandé si on pouvait apprendre des femmes françaises leur liberté. En comparaison avec les femmes américaines qui sont plus prisonnières de certains codes, nous avons cette réputation… qui n’est pas forcément vraie», dit-elle.
Cliché ou pas, son personnage a captivé Yvonne Hazelton, autrice américaine qui a vécu à Paris et a écrit sur la ville et sur la série. «Le personnage de Sylvie est le plus fascinant; elle est inspirante», dit-elle. Outre son sens du chic, «elle est compétente et maîtrise chaque situation même face aux problèmes».
Si «les Américaines sont généralement plus conservatrices, il est correct de dire que beaucoup de femmes « quinqua » se comportent» comme Sylvie en termes de relations amoureuses. «Pour une femme qui, comme moi, a divorcé au début de sa cinquantaine, le sentiment de liberté qu’on ressent est énorme», précise encore l’autrice.
«Je suis Astérix»
Nommée aux César en 1986 pour son rôle dans le film de Coline Serreau Trois Hommes et un couffin, celle qui avait commencé sa carrière avec Roger Vadim est devenue l’incarnation de la Parisienne, alors que, paradoxalement, elle avait détesté la capitale française dans le passé. Ayant grandi à Rome aux côtés de son père acteur, Philippe Leroy, et sa mère, Françoise Laurent, qui a travaillé pour la maison Dior, elle était rentrée à Paris après leur divorce et a souvent évoqué les humiliations de ses camarades de lycée qui se moquaient de son niveau de français.
Aujourd’hui, elle se délecte dans le rôle de la Française qui rend la vie un peu difficile à l’Américaine ingénue. «Il y a une Amérique qui, comme Emily, veut conquérir le monde et sait faire tout mieux que tout le monde, mais elle se heurte à quelqu’un comme moi qui lui dit : « Je suis Astérix et je ne te laisserai pas entrer sur mon territoire »», sourit-elle.
Emily in Paris (saison 3), de Darren Star. Netflix.