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El botón de nácar : un magnifique poème aquatique


Patricio Guzmán propose des paysages magnifiques de son Chili natal.

Avec El botón de nácar, en maître documentariste, le réalisateur chilien Patricio Guzmán signe un magnifique poème aquatique tout en métaphores.

Après le sable et la poussière, l’eau. Prince de la matière solide, le Chilien Patricio Guzmán revient dans le liquide. Maître documentariste, il nous offre El botón de nácar (en VF : Le Bouton de nacre ), moment de grâce et de magie en images.

En février dernier à Berlin, à l’issue de la Berlinale 2015, le cinéaste a reçu un Ours d’argent récompensant le meilleur scénario pour un film tout en métaphores, évoquant l’homme et l’eau, l’intelligence et la beauté, la profondeur d’une humanité aussi… Après l’étourdissant Nostalgie de la lumière (2010, European Film Award du meilleur documentaire) et le désert d’Atacama, voici donc une réflexion sur l’eau et les multiples manières dont elle nourrit l’histoire des hommes.

Rien moins qu’un poème aquatique signé Patricio Guzmán – lequel confie : « Si mon récit navigue entre les éléments naturels, les peuples anciens et le cosmos, j’ai surtout voulu concentrer mon attention sur une partie bien précise du Chili : la Patagonie. C’est le plus vaste archipel au monde, riche de tant et tant de paysages, des îles, des îlots, des rochers, des glaciers… et puis, il y a la population autochtone qui, victime de la colonisation, est passée de 8 000 personnes au XVIII e siècle à seulement vingt descendants directs, aujourd’hui ».

Fleuve narratif

Et magicien de l’image, le cinéaste chilien part de deux mystérieux boutons découverts au fond de l’océan Pacifique. On est tout près des côtes du Chili – paysages surnaturels avec volcans, montagnes et glaciers. C’est l’eau, le cosmos et nous… et ces deux boutons de nacre – à travers leur histoire, on a la preuve que l’eau a une mémoire.

On entend la voix des indigènes de Patagonie, des premiers navigateurs anglais, des prisonniers politiques au temps de la dictature du général Pinochet. Longtemps, on a dit dans le monde du cinéma que Patricio Guzmán a la tête dans les étoiles, avec El botón de nácar , il a percé le mystère de l’eau, montré qu’elle a une mémoire et aussi une voix.

Mieux : dès les premières de son nouveau film, on perçoit que le réalisateur chilien a voulu proposer du jamais vu sur grand écran. Ce qu’il confirme : « J’ai toujours eu pour ambition de raconter une histoire fluide qui transporte le spectateur comme s’il était embarqué sur un fleuve narratif. Au montage, je travaille sur des séquences de deux, cinq, dix minutes, et si cela me paraît trop long, j’élimine la séquence pour ne pas interrompre le récit. Je pense que c’est fondamental aujourd’hui pour un documentaire. Il faut beaucoup de temps pour réfléchir à la structure du film, pour anticiper le montage, pour que tout soit fluide. Il y a la musique aussi, qui est importante. J’avais cette ambition de mettre en place une narration qui transporte le spectateur jusqu’à l’inconnu .»

La méthode Guzmán, c’est réaliser un documentaire sur plusieurs niveaux, plusieurs registres avec images spatiales, photos d’archives, témoignages face caméra, œuvres artistiques à l’exemple d’une carte géante du Chili. En mots et en images, le réalisateur a cherché à montrer que bon nombre de mots et de concepts n’existent que dans la civilisation occidentale et contemporaine. Et de raconter que les Indiens ne connaissent ni le mot «police» ni le mot «Dieu». « C’est seulement , explique Patricio Guzmán, quand j’ai fini le film et après l’avoir montré à plusieurs personnes que j’ai saisi son caractère universel… »

Serge Bressan

El botón de nácar, de Patricio Guzmán. (Chili/Espagne/Fance, 1 h 22). Documentaire.