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Echange de bons procédés entre Lisbonne et le MNHA


Le projet « Obra convidada-Guest Work » se caractérise par l’échange d’œuvres entre le MNAA, situé à Lisbonne, et le MNHA. D’où la mise en lumière du Mariage mystique de sainte Catherine à Luxembourg.

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« Le Mariage mystique de sainte Catherine », de Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682), a trouvé bonne place au MNHA. (Photos : MNHA/DR)

Il y a quelques jours, la ministre de la Culture, Maggy Nagel, était à Lisbonne, au MNAA, célébrant le prêt de Bacchus, Vénus et l’Amour, tableau du peintre Rosso Fiorentino (1494-1540), superbe pour ses qualités intrinsèques et singulier pour sa rocambolesque histoire – disparu à plusieurs reprises, il est passé par Paris et la Suisse, avant d’être découvert en 1970 au Luxembourg par le conservateur Jean-Luc Koltz. « C’est sûrement le tableau le plus prestigieux des collections nationales », explique-t-on du côté du MNHA, comme pour souligner tout le poids de cet échange. Au Portugal, en tout cas, l’information est passée : la toile a été accueillie avec entrain, et exposée comme elle se doit.

Depuis hier, c’est le Grand-Duché qui s’enorgueillit de cette nouvelle collaboration, mettant en lumière, au sein de sa salle rénovée et dédiée au maniérisme (NDLR : mouvement pictural qui fait le lien entre la Renaissance et le baroque) Le Mariage mystique de sainte Catherine, signé Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682), en provenance, donc, de Lisbonne. L’excitation est palpable, car outre la grâce de l’œuvre, le MNHA trouve dans ce dialogue avec le musée de la capitale portugaise un moyen de « développer sa visibilité dans un autre pays », selon les mots de son directeur, Michel Polfer.

> « Une volonté d’ouverture »

C’est dans ce sens que ce dernier avait fait le voyage, il y a deux ans, chez son homologue lisboète, Antonio Pimentel, dont l’établissement, à travers le projet « Obra convidada – Guest Work », collabore depuis 2013 avec différents musées internationaux. Du point de vue grand-ducal, le rapprochement était de surcroît lié à une problématique propre à sa condition démographique. « La communauté étrangère franchit moins facilement les portes de notre musée, constate Michel Polfer. Ce projet me semble alors correspondre à une vraie volonté d’ouverture. » Il ne dira rien sur la fréquentation des visites guidées en portugais, déjà en place au MNHA. Non, au sein de l’institution, on espère que ce Mariage mystique va consolider les liens, au sens figuré bien sûr.

En tout cas, le public peut difficilement passer à côté du tableau, pour lequel tout a été fait en termes de mise en valeur. Cette « merveille », selon la conservatrice des lieux, Malgorzata Nowara, tombée « en amour » pour la toile, a été réalisée par Murillo, peintre baroque espagnol du XVIIe siècle, qui a fait des sujets religieux sa spécialité. En outre, dans ses faits d’armes, il a été co-président de la première académie de peinture en Espagne.

Dans cette œuvre de jeunesse, l’auteur montre une vision de sainte Catherine d’Alexandrie dans laquelle elle se marie avec le Christ, représenté par l’enfant Jésus dans les bras de sa mère. Utilisant la technique du clair-obscur – dans laquelle tranche la « douceur et la beauté des visages », l’artiste prouve son assimilation de la composition italienne à travers cette peinture « sereine et élégante ». On apprend, au passage, que ce Mariage mystique de sainte Catherine a été offert au roi du Portugal par la reine Isabelle II d’Espagne en 1865, et qu’il est « l’un des premiers tableaux de collection du MNAA », après, rappelons-le, le terrible tremblement de terre de Lisbonne en 1755. Notons également qu’une autre version, fausse celle-ci, a été offerte au Vatican au milieu du XIXe siècle.

Enfin, précisons que l’histoire associera définitivement ce tableau à son auteur quand ce dernier, en train de peindre un retable sur le même sujet pour l’église Santa Catalina (à Cadix), tomba d’un échafaudage pour mourir quelques semaines plus tard de ses blessures. C’est un de ses élèves et amis, Francisco Meneses Osorio (1630-1705), qui prendra la relève. Comble du hasard, et pour compléter l’accrochage, on retrouve ce dernier au MNHA avec sa toile Sainte Famille… qui traînait depuis belle lurette au Luxembourg avant d’être offerte au musée fin 2013.

Et si les coïncidences ne suffisent décidément pas pour conforter ce rapprochement Nord-Sud, Michel Polfer ajoute qu’une « grande exposition », en 2017, intitulée « Drawing the world », honorera les « voyages de découverte portugais et leurs conséquences culturelles ». Bref, pas une seule ombre au tableau pour cet échange présent et à venir, que chacun semble vouloir riche et prospère. Ah si, une petite : « Je vais vraiment avoir du mal à me séparer de lui », lâche Malgorzata Nowara, les yeux rivés sur Le Mariage mystique de sainte Catherine.

De notre journaliste Grégory Cimatti


Musée national d’Histoire et d’Art – Luxembourg.

Jusqu’au 18 mai.