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Eagles of death metal, c’est comment en concert ?


"On est hyper-heureux d’être ici, au Luxembourg en plein air, à regarder bouger vos petits culs", avait lancé Jesse Hugues au public du Rock-A-Field. (photos archives Tania Feller)

À Paris, l’envie de célébrer la vie est plus forte que jamais, malgré la peur, malgré la douleur. Deux mois après les attentats, le groupe Eagles of death metal, qui jouait au Bataclan le soir de la tuerie, vient de remplir l’Olympia en moins d’une heure. L’occasion de se souvenir de son passage au Luxembourg, l’été dernier, lors du Rock-A-Field.

1 770 places écoulées en quelques minutes, le reste n’étant que latence et logistique. Le fameux slogan «Peace, love, fuck terrorism», calqué sur le slogan du groupe «peace, love and death metal», a d’emblée refleuri sur les réseaux. Victoire dérisoire contre l’obscurantisme. Mais victoire quand même : le 16 février, une salle complète viendra venger les morts en « pogotant » sur du rock’n’roll, la seule violence acceptable sur cette terre.

Rock a Field 2015

À quoi ressemble un concert des « EODM » au juste ? Le groupe était passé au Rock-A-Field l’été dernier, et nous y étions. Jesse Hughes, le chanteur à la moustache improbable (pas bobo, mais plutôt Brassens) avait débarqué sur scène en fin d’après-midi. L’un de ses acolytes s’était pointé avec un t-shirt tout simple «I love weed». Une marque d’intention sympathique pour la jeunesse dans la fosse, si on oublie que la police avait fouillé tous les sacs (avec des chiens de douane !) à l’entrée.

Revenons à la scène : ce jour-là, le groupe n’était donc pas tête d’affiche de la soirée. Celle-ci étant réservée aux pénibles Rise against (du « hard-rock mélodique » dixit Wikipédia) ainsi qu’aux rappeurs du Wu-Tan Clan.

Pourtant, c’est facile de l’écrire après-coup, mais ce sont bien les Eagles qui avaient assuré. Dès le départ, le groupe avait envoyé tout ce qui se fait de plus lourd pour fixer le cadre : oui il n’y aurait qu’une heure de concert, mais ceux qui sont venus en short (à peu près tout le monde, il faisait 30 degrés) ont bien fait. Car on parle de sport autant que de musique.

Du rock dansant à se péter les genoux

Des guitares vintages, très rockabilly, branchées dans des amplis qui de toute façon ne se jouent que saturé (Orange pour les connaisseurs). Pas de death metal lugubre et ennuyeux à l’horizon. Mais un rock puissant, imparable, dansant même (osons le mot), à se péter les genoux. Et il n’y a pas que les anciens, perdus dans cette marée humaine de teenagers qu’est le Rock-A-Field, qui avaient appréciés.

Rock a Field 2015

La prestation du groupe avait rameuté tous les festivaliers. Dont ceux qui pionçaient dans les confortables hamacs installés au nouveau village. Dont les amoureux transis scotchés par le concours de t-shirt mouillés qui se déroulait plus loin. Dont les pseudo-rappeurs, casquettes vissées sur la tête, qui n’attendaient que le Wu-Tan-Clan. Même les blasés de la musique étaient là, vous savez, ceux qui continuent à fréquenter les concerts pour le bon plaisir de dire : « le mec à la basse chie, c’est inacceptable. »

Bref, une vraie bonne surprise qui fait toute la saveur d’un festival, où les groupes s’enchaînent avec l’intensité d’une séduction éclair. Visiblement touchés par leur succès, malgré l’horaire pas évident, les Eagles avaient mangé une dizaine de minutes par pur plaisir d’interagir avec le public. Pas de grande poésie, on l’avoue : «On est hyper-heureux d’être ici, à Luxembourg en plein air, à regarder bouger vos petits culs. » Ou encore : « ce concert est chaud, trop chaud, n’allez pas payer pour de l’eau à la buvette (en réalité gratuite !) on vous en balance. » Une cargaison de bouteilles avait été amenée sur scène et joyeusement balancée dans la foule. Le soleil se couchait, la soirée était déjà pliée, il n’y aurait pas mieux ce soir-là.

C’est le genre de sentiment qui traverse la foule dès la dernière chanson. Vivre d’amour, de rock et d’eau fraîche donc. C’est tout ce que l’on peut souhaiter à Paris et à l’Olympia.

Hubert Gamelon