Retour sur l’incroyable affaire GameStop, une entreprise sur laquelle un Youtubeur paria, avec d’autres, ses économies, au point de faire trembler Wall Street en janvier 2021.
En revenant sur l’alliance de milliers de boursicoteurs pour sauver leur enseigne de jeux vidéo préférés, GameStop, attaquée par des investisseurs, Dumb Money livre une fable sur comment Wall Street peut vaciller sur ses bases, mais finit toujours par gagner à la fin. Inspiré de faits réels, le film est porté par l’acteur Paul Dano (Little Miss Sunshine et plus récemment The Fabelmans de Steven Spielberg), dans le rôle de Keith Gill, alias «Roaring Kitty», un ancien analyste financier désormais fauché, au cœur de cette folle affaire.
Dumb Money, référence à «l’argent stupide», expression avec laquelle les géants de Wall Street désignent les petits investisseurs, revient sur le tourbillon boursier autour de GameStop début 2021, qui a même fait l’objet d’une enquête du Congrès américain. Entre 2015 et 2020, la valeur boursière de la chaîne de magasins de jeux vidéo (notamment propriétaire en France de Micromania) avait été divisée par dix. Pas assez pour de nombreux gros fonds d’investissement qui pariaient encore sur la baisse du cours. Mais bien trop selon «Roaring Kitty».
Robinhood, chouchou des boursicoteurs en herbe
Soutenu par sa femme, ce nerd et analyste financier sur la touche va alors investir toutes ses économies, soit 53 000 dollars, dans les actions de GameStop, qui était pourtant au bord de la faillite. Depuis sa cave, bandana dans les cheveux et affreux tee-shirts de chats, il défend en vidéo et sur les forums Reddit pourquoi il est acheteur de l’action et accuse les fonds d’investissement de vouloir la mort de l’entreprise. Le film montre comment cet appel va mobiliser, en pleine pandémie, un paquet de monde, de l’étudiante endettée à l’infirmière précaire.
Résultat : la valeur de l’action s’envole littéralement. Les petits porteurs se ruent notamment sur l’application de courtage Robinhood et deviennent, en seulement quelques clics, de véritables «petits loups» de Wall Street. Ils investissent ensuite massivement dans d’autres compagnies à la santé financière fragile, comme les cinémas AMC ou la chaîne de magasins Bed, Bath & Beyond.
certains s’enrichissent, d’autres perdent un paquet d’argent, comme Citadel (l’un des plus grands gestionnaires d’actifs au monde) avec son fondateur qui, installé dans une luxueuse maison en Floride, compte ses pertes, effaré, en milliards de dollars.
L’action GameStop multipliée par 120 en sept mois
Mais le film montre également comment Wall Street et sa mécanique imparable se défendent pour tenter de mettre à terre cette rébellion en ligne, par nature instable et désorganisée, et dont la richesse peut disparaître aussi soudainement qu’elle est arrivée. «Je pense que cette affaire a changé profondément Wall Street et le comportement des fonds d’investissement», a assuré le réalisateur australien Craig Gillespie, qui a vécu de l’intérieur cette histoire, un de ses fils ayant fait partie de la cohorte des boursicoteurs. «J’ai ressenti la frustration, le sentiment que le système était contre eux et je voulais creuser un peu ça. Ce n’est pas nécessairement illégal», mais cela pose «des questions éthiques».
Selon le réalisateur, qui sortira prochainement un nouveau Cruella chez Disney et avait été remarqué en 2017 avec I, Tonya avec Margot Robbie, dans le milieu du patinage artistique, «c’est le système qui est en faute!», ajoute-t-il. Pour la réalisation, il a limité au maximum les séquences d’explications financières. Seul le cours de l’action est donné – il passera de moins d’un dollar à l’été 2020 à plus de 120 dollars en séance le 28 janvier 2021. L’ahurissement face à cette envolée est finalement la seule chose qui unit tous les protagonistes. Depuis, le cours de l’action est retombé aux alentours des 12 dollars.
Dumb Money, de Craig Gillespie.