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Du Grand-Duché à la Martinique : Jean-Luc et Peggy racontent


Après plusieurs années passées à travailler au Grand-Duché, Peggy et Jean-Luc Warin s'offrent un monocoque de 12 mètres. Direction la mer des Caraïbes et le tour de ses îles. Ils racontent leur périple et leur nouvelle vie à Saint-Pierre.

Tout plaquer et s’acheter un bateau pour prendre le large, beaucoup en rêvent, Jean-Luc et Peggy Warin l’ont fait pendant deux ans dans la mer des Caraïbes. Du Grand-Duché à la Martinique en passant par (presque) toutes les îles des Caraïbes : Jean-Luc et Peggy racontent leur périple.

Comme souvent, tout commence par une rencontre. Au cours de l’hiver 2002/2003, Peggy, Ardennaise de naissance et secrétaire de direction à Paneurolife au Luxembourg depuis 1998, passe ses vacances sous le soleil de Martinique. Elle rencontre Jean-Luc, Dunkerquois et moniteur de plongée sur l’île depuis quatre ans. Le coup de foudre.

Quelques mois plus tard, elle quitte le Grand-Duché pour rejoindre son amoureux. Ils se lancent dans la gérance d’un restaurant à Fonds-Saint-Denis (au nord de la Martinique et dans les terres). « Il n’y avait pas beaucoup de passage, on tient dix-huit mois , disent-ils. Puis on arrête le massacre. »

Peggy et Jean-Luc Warin reviennent au Grand-Duché, s’installent à Schrassig. Elle redevient secrétaire de direction chez Invest Life puis chez Nation Wade. Lui, il enchaîne les petits boulots. Et même s’ils sont « très bien au Luxembourg », ils ont toujours en tête leur « projet d’acheter un bateau pour faire le tour du monde ». Fin 2010, ils dénichent leur bateau, un monocoque de douze mètres, à Port-Saint-Louis du Rhône (Var).

La «moussaillonne» Peggy Warin avait le droit de prendre de temps en temps la barre du Doulap. (photo DR)

La «moussaillonne» Peggy Warin avait le droit de prendre de temps en temps la barre du Doulap. (photo DR)

« On ne dit rien à personne , confient-ils. On n’est pas encore prêts pour partir. On commence à faire les brocantes en Belgique pour vendre nos affaires. En juin 2011, notre budget est bouclé, le bateau est terminé, on démissionne, on explique pourquoi, tout le monde nous soutient. Les au revoir à nos amis du Luxembourg sont émouvants. »

«La lessiveuse se met en route»

Vendredi 14 octobre 2011, à 10h11, Peggy (la moussaillonne) et Jean-Luc (le capitaine) Warin prennent le large. Et tout a failli s’arrêter quelques heures plus tard. « Vers minuit, la lessiveuse s’est mise en route , se souviennent-ils. Toute la nuit, le vent est resté aux alentours des 25  nœuds, il y a des creux de quatre à cinq mètres. Et à 5  h  30, on voit un énorme porte-conteneurs à 50  mètres. Grâce au capitaine, on échappe à la collision d’extrême justesse. »

Le capitaine Jean-Luc Warin a fait preuve d'une certaine dextérité à la barre pour notamment échapper à une collision avec un porte-conteneurs.

Le capitaine Jean-Luc Warin a fait preuve d’une certaine dextérité à la barre pour notamment échapper
à une collision avec un porte-conteneurs.

Les heures suivantes sont encore compliquées. Ils arrivent finalement à Port Mahon (Minorque) le dimanche. Une semaine plus tard, ils reprennent la mer, direction Majorque, puis Ibiza, Carthagène, Gibraltar et Lanzarote. « À Lanzarote, on s’écroule , avoue Peggy. On y reste un mois et demi pour récupérer. On décide de ne pas faire la traversée de l’océan Atlantique. Jean-Luc appelle son fils Pierre. Il nous rejoint avec un ami. Ils feront la traversée à notre place. »

Ils récupèrent le Doulap (nom de leur bateau) en Guadeloupe le 12 février 2012. Et c’est parti pour deux années de navigation à la découverte de (presque) toutes les îles de la mer des Caraïbes avec des escales.

«Un énorme coup de bol»

Dans le désordre  : Anguilla, Saint-Vincent, Saint-Barth, Saint-Martin, Grenade, la République dominicaine, Porto Rico, les îles Vierges… Et quelques péripéties en plus  : une (courte) arrestation par les douanes de Porto Rico ou encore « un énorme coup de bol » quand ils retrouvent eux-mêmes à Aruba le bateau d’amis volé quelques jours plus tôt. « On était sur l’île depuis un mois, on attendait une pièce pour réparer l’éolienne de notre bateau et on a vu le Teou (NDLR  : le nom du bateau de leurs amis), on contacte la police, Interpol était au courant , racontent-ils. Le bateau est restitué à nos amis. Ils sont fous de joie, nous aussi. »

Mais le voyage touche à sa fin  : « On manque de trésorerie. » Une nouvelle vie à Saint-Pierre (Martinique) débute fin décembre 2013 au restaurant Tamaya (lire ci-dessous), ils vendent le Doulap en août 2014. L’appel du large est-il encore là? « Pour l’instant, l’envie de reprendre la mer n’est pas là , répond Jean-Luc Warin. Peut-être reviendra-t-elle un jour… »

Guillaume Chassaing

À quai à Saint-Pierre

Depuis décembre 2013, Jean-Luc et Peggy Warin sont à la tête du restaurant le Tamaya, situé dans une cité chargée d’histoire.

Depuis fin 2013, Peggy et Jean-Luc Warin accueillent locaux et touristes dans leur restaurant le Tamaya.

Depuis fin 2013, Peggy et Jean-Luc Warin accueillent locaux et touristes dans leur restaurant le Tamaya.

Fin avril 1902, la montagne Pelée (nord-ouest de la Martinique) commence à se faire entendre de plus en plus. Séismes, grondements souterrains, pluies de cendres… s’accumulent. Le 2  mai, la phase magmatique débute. Le 5  mai, l’usine Guérin est ensevelie sous une boue brûlante  : 23  morts. Ce n’est que le début. Dans la nuit du 7 au 8  mai, une coulée de boue touche Macouba, Basse-Pointe et Grand Rivière. La rivière du Prêcheur déborde causant la mort de 400  personnes.

Le 8 mai peu avant 8h, une explosion se produit dans le cratère de la montagne Pelée. Puis une nuée ardente déferle sur Saint-Pierre  : 30 000 victimes (deux rescapés, dont Louis-Auguste Cyparis, enfermé dans la prison de la ville et qui sera engagé par la suite par le cirque Barnum aux États-Unis, où il exhibera ses brûlures). Saint-Pierre est (presque) totalement détruite. Dans la baie, les bateaux sont réduit en cendres. Parmi eux, le Tamaya (un gigantesque trois-mâts). Son épave, découverte en 1984 par un navire océanographique, se trouve à une profondeur comprise entre 78 et 85  mètres dans la rade de Saint-Pierre.

«Le Grand-Duché reste notre pays de cœur»

En face, le Tamaya accueille les locaux, les touristes et les plaisanciers de Saint-Pierre en quête d’un bon repas. À la barre du restaurant, Jean-Luc et Peggy Warin. Lui en cuisine, elle en salle. Au menu, un mélange de cuisine française et créole.

« Quand nous sommes revenus en Martinique, les propriétaires, des amis, voulaient vendre pour prendre leur retraite , raconte Peggy Warin. Au début, c’était un peu une plaisanterie et puis on leur a dit banco. Depuis qu’on a repris le restaurant il y a quinze mois, on travaille non-stop. Ça va de mieux en mieux. Les locaux, les touristes et les plaisanciers viennent de plus en plus et repartent contents. » Mais les souvenirs de leur périple et de leur vie d’avant sont présents à l’intérieur, notamment avec une «guirlande» de drapeaux, dans laquelle le «Roude Léiw» tient une place de choix.

« Le Luxembourg reste notre pays de cœur , affirment Jean-Luc et Peggy Warin. Nous avons tous nos amis là-bas. Certains sont venus ici. Mais, si nous pouvons, nous devrions revenir en visite dans le courant de l’été. On a envie de retrouver l’atmosphère paisible du Grand-Duché .»