L’Europe spatiale a franchi hier, à Luxembourg, une étape cruciale pour son avenir en décidant de construire Ariane 6 pour tenter de résister à une concurrence féroce.
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La future Ariane 6 sera lancée depuis la base française de Kourou, en Guyane, comme sa grande sœur Ariane. (Photo : AFP)
Les débats ont tourné court, hier, à Luxembourg, quand il a fallu voter en faveur de la fusée Ariane 6. Les États membres de l’Agence spatiale européenne n’ont pas hésité et ont offert à l’Europe un avenir commercial dans l’espace.
« C’est un succès, j’ose même dire un grand succès », a déclaré Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’Agence spatiale européenne (ESA), à l’issue d’une réunion des ministres européens de l’Espace, hier, au Kirchberg.
Cette décision « historique » est « une réponse forte à la concurrence internationale, dans un secteur stratégique pour la souveraineté européenne, pour son industrie, pour l’emploi », a souligné la secrétaire d’État française à la Recherche, Geneviève Fioraso.
Les ministres de l’Espace se sont engagés sur une enveloppe de 4 milliards d’euros pour le développement d’Ariane 6, selon Geneviève Fioraso. Cette somme inclut la construction d’un nouveau pas de tir en Guyane et la mise à niveau du petit lanceur de la gamme européenne, Vega.
La France assurera la plus grosse part de l’effort financier (52 %), suivie par l’Allemagne (22 %).
Le budget total sur dix ans du programme de lanceurs européens est estimé à 8 milliards d’euros, une somme qui englobe les inévitables évolutions de l’actuelle Ariane 5 jusqu’à ce qu’Ariane 6 puisse assurer la relève.
> Des lancements à 90 millions d’euros
La ministre allemande Brigitte Zypries s’est dite « satisfaite ». « L’accord est bon pour l’industrie et l’emploi en Allemagne », a-t-elle jugé. « C’est une très bonne réunion ministérielle », a renchéri Roberto Battiston, patron de l’agence spatiale italienne. L’Italie est le troisième contributeur de l’ESA, derrière l’Allemagne et la France.
Il a fallu des mois de négociations, tout particulièrement entre la France et l’Allemagne, pour parvenir à cet accord, fruit d’une « mobilisation sans précédent de tous les acteurs » européens, publics comme industriels, y compris de la société Arianespace « et ses clients », a noté la secrétaire d’État française.
Née il y a trente-cinq ans, Ariane a été déclinée en plusieurs versions. L’actuelle Ariane 5, mise sur les rails en 1987, vole depuis 1996. Après des débuts difficiles, elle a très bien rempli sa mission et affiche actuellement soixante-deux succès d’affilée.
Elle a conquis plus de 50 % du marché commercial des lancements de satellites. Mais sa place de leader est menacée par le Falcon de l’américain SpaceX, qui mène une politique de prix très agressive, mais aussi par l’émergence attendue de concurrents asiatiques.
Modulable en deux versions – une légère avec deux propulseurs d’appoint et une lourde avec quatre – Ariane 6 sera adaptée à la fois aux besoins institutionnels (satellites scientifiques, sondes spatiales, etc.) et aux vols commerciaux (satellites télécoms, télévision, etc.). La nouvelle configuration d’Ariane 6 vise aussi à anticiper l’évolution du marché, avec une importance croissante des satellites à propulsion électrique, plus légers, mais susceptibles d’être plus volumineux.
La future Ariane 6 aura l’avantage d’utiliser des éléments déjà expérimentés sur Ariane 5 ou étudiés pour le projet Ariane 5 ME, une version intermédiaire désormais abandonnée. Une continuité technologique qui minimise la prise de risque et réduit les dépenses.
Pour mieux comprimer les coûts, Ariane 6 se servira en outre comme propulseurs d’appoint du moteur à poudre développé pour la version évoluée de Vega (Vega-C), créant une synergie industrielle entre les deux lanceurs de la gamme.
Selon le PDG d’Arianespace, Stéphane Israël, le prix pour un lancement d’Ariane 6, avec deux satellites à la fois, devrait tourner « autour de 120 millions de dollars » (environ 90 millions d’euros), aux conditions actuelles du marché.
Les ministres de l’Espace se sont également prononcés hier sur la poursuite de la participation européenne à l’exploitation de la Station spatiale internationale (ISS) jusqu’en 2020, s’engageant sur une enveloppe de l’ordre de 800 millions d’euros. Ils doivent se retrouver en 2016 pour faire un point technique et financier sur le dossier Ariane 6.
Le Quotidien