Tombé après avoir tutoyé les sommets, Luc Besson tente de rebondir avec Dogman, son dernier pari, en salles mercredi.
Dix-huitième long métrage de fiction de Luc Besson, Dogman, tourné en anglais, s’inscrit dans la veine noire du réalisateur de 64 ans, à l’instar de Subway (1985), Nikita (1990) ou Léon (1994), qui avait révélé Natalie Portman. Le rôle principal est tenu par l’un des espoirs du cinéma indépendant américain, Caleb Landry Jones, prix d’interprétation à Cannes en 2021 pour Nitram, de Justin Kurzel. Le film raconte l’histoire d’un enfant battu et rejeté par son père, qui l’enferme jour et nuit dans une cage avec des chiens. Devenu adulte, handicapé depuis que son père lui a tiré dessus, il vit en marge de la société, organisant des rapines dans les maisons des riches. Drag-queen à ses heures perdues, il entonne des airs d’Édith Piaf sur la scène d’un cabaret.
Dogman est une histoire «de survivant, de combattant», a déclaré Caleb Landry Jones en marge de la première du film à la Mostra de Venise, où le film était en compétition. «Privé de tout depuis le début, il reste quelque part très lumineux, plein d’amour et fragile, mais aussi fort et intelligent. Il persévère malgré tout», a-t-il ajouté.
Auteur de films cultes comme Le Grand Bleu (1988), Le Cinquième Élément (1997) ou Lucy (2014), plus gros succès international pour un film français avec 56 millions d’entrées dans le monde, Luc Besson n’a jamais eu peur du mélange des genres. Dogman, aux accents parfois christiques, emprunte autant au Livre de la jungle, pour son personnage à la Mowgli élevé par les animaux, qu’à la noirceur de Joker (Todd Phillips, 2019), voire à La Môme (Olivier Dahan, 2007), pour ses scènes chantées. Mais aussi à Danny the Dog (Louis Leterrier, 2005), film d’action coécrit par Luc Besson, dont le personnage principal, élevé en cage par des chiens et maltraité par son maître, a inspiré le protagoniste de Dogman. Des dizaines de chiens ont été réunis pour le tournage, avec quelque 25 dresseurs. Certains avaient leur dresseur personnel et leur propre caravane.
Des coups de pied aux câlins
«J’ai fait mon premier film à 19 ans, j’en ai fait vingt», a expliqué Luc Besson. «La vie change, donc c’est intéressant aussi de voir les différences d’expression. Qu’est-ce qui nous touche, qu’est-ce qui nous émeut?» «Les films que je pouvais faire dans les années 1980, la société était riche et bourgeoise, un peu empâtée et donc, à l’époque, j’avais envie de mettre des coups de pied, un peu. Maintenant, la vie est beaucoup plus dure, plus cynique, donc on a plus envie de distribuer des caresses et des câlins.»
Autodidacte, Luc Besson a expliqué préférer s’inspirer «des gens autour de (lui), des arbres, du temps qu’il fait» pour écrire son film. Son épouse, Virginie Besson-Silla, coproduit Dogman, et son fidèle compositeur, Éric Serra, en signe la musique, tandis que la distribution est assurée par la structure qu’il a fondée, EuropaCorp. Ce nouveau film a déjà permis à Besson de faire son retour sur les tapis rouges, de façon plutôt inattendue en compétition à la Mostra, dont il est reparti bredouille, et à Deauville.
«Fier de ma liberté»
Le film continuera-t-il de porter chance à celui qui caressait un destin hollywoodien avant d’enchaîner les avanies ? Les échecs commerciaux, et notamment celui d’un film aux ambitions démesurées Valérian et la cité des mille planètes (2017), ont failli avoir la peau d’EuropaCorp. Il n’en est plus que directeur artistique. De quoi occulter les succès passés des productions maison, de Yamakasi (Ariel Zeitoun, 2001) à Banlieue 13 (Pierre Morel, 2004), en passant par les franchises Taxi (1998-2018) et Taken (2008-2014).
Sur le plan judiciaire, il a dû faire face en 2018 à des accusations de viol portées par l’actrice Sand van Roy. L’affaire était devenue l’une des plus emblématiques du mouvement #MeToo en France, mais les accusations ont été définitivement écartées par la Cour de cassation en juin. «Quelque chose dont je suis particulièrement fier aujourd’hui, c’est de ma liberté», a déclaré à propos de son travail de réalisateur celui qui avait rêvé un temps de fonder un «Hollywood-sur-Seine», à la Cité du cinéma, en région parisienne. «Personne ne peut m’empêcher d’écrire (le film) que je souhaite.»
Dogman, de Luc Besson. Sortie mercredi.