Près de Shanghai, les tours d’un château de conte de fées inachevé s’esquissent sous des échafaudages : l’ouverture du « Royaume magique » de Disney, son premier site en Chine continentale, a été repoussée en 2016, alors même que s’accélèrent les projets de parcs rivaux.
Cet ambitieux Disneyland, au coût spectaculaire de 5,5 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros), devait ouvrir ses portes au public cette année. (Photos : AFP)
Par-dessus des palissades sous bonne garde, on aperçoit de ce chantier de 3,9 km2 les créneaux d’un donjon de couleur grège, dominant sous un pâle soleil hivernal les courtines d’une forteresse en devenir. A l’entrée principale, le blason de Disney n’apparaît nulle part.
Cet ambitieux Disneyland, au coût spectaculaire de 5,5 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros), devait ouvrir ses portes au public cette année. Mais Bob Iger, patron du géant américain du divertissement, a fait état la semaine dernière d’un retard significatif, précisant que l’inauguration n’aurait lieu qu' »au printemps 2016″.
Il a mis en avant un accroissement du nombre et de la taille des attractions, d’une « complexité » et d’un « niveau de détails (…) stupéfiants ». Les autorités shanghaïennes n’ont cependant confirmé aucun plan d’expansion du projet initial.
> Sols contaminés
En revanche, Disney – et son partenaire chinois Shendi – ont dû se conformer à des standards plus rigoureux qu’habituellement constaté en Chine, soulignent des personnes proches du dossier.
Après le début des travaux en avril 2011, sont ainsi détectées des « contaminations du sol » contrevenant aux règles environnementales – pourtant généralement appliquées de façon laxiste -, a confié un officiel shanghaïen. L’américain a dû faire appel à un sous-traitant étranger pour régler le problème, et des ouvriers ont dû retirer la terre jusqu’à un mètre de profondeur.
Autre facteur : un ouvrier a expliqué que les entreprises de construction limitaient strictement à huit heures par jour le temps de travail des employés – contrairement à beaucoup de chantiers chinois se poursuivant jour et nuit, souvent au mépris du droit du travail. Contacté sur ces points, Disney s’est refusé à tout commentaire.
> Studios hollywoodiens en embuscade
Pour Disney, le projet shanghaïen est crucial, à l’heure où les studios hollywoodiens rivalisent pour conquérir l’immense box-office chinois, le deuxième du monde. Les parcs d’attractions sont pour eux un moyen de fidéliser les spectateurs autour des franchises qu’ils possèdent : Universal Studios et DreamWorks Animation se préparent ainsi à ouvrir des parcs à Pékin et Shanghai respectivement, chacun pour un coût estimé de 3 milliards de dollars.
Le conglomérat chinois Wanda – numéro un mondial des salles de cinéma et ambitionnant de jeter son dévolu sur le studio californien Lions Gate – a également inauguré en décembre à Wuhan (centre) un fastueux complexe d’attractions et d’hôtels dédié au septième art.
Pour les autorités de Shanghai, l’enjeu n’est pas moins important. Un métro doit relier le centre-ville au futur Disneyland dès cette année et, selon un universitaire, le parc pourrait contribuer à hauteur de 3,3 milliards de dollars annuels à l’économie locale. Soit 1% du PIB shanghaïen.
Mais après une bousculade mortelle le 31 décembre au coeur de Shanghai (36 décès), la gestion des foules sur le futur parc refait débat. « C’est un problème épineux (…) nous devons nous y préparer pleinement », a insisté le mois dernier le maire Yang Xiong.
> 16 millions de visiteurs par an ?
Disneyland Shanghai possèdera un plus grand château que les deux autres parcs Disney d’Asie – Hong Kong et Tokyo -, il proposera une production du « Roi Lion » en chinois, et une colline artificielle dominant le quartier shanghaïen de Pudong. Une cité commerciale adjacente de 46 000 m2 abritera boutiques géantes, restaurants et cinémas.
Le site doit attirer une classe moyenne chinoise en plein essor, dont les parents dépensent sans compter pour leur enfant unique. Le tarif du billet d’entrée adulte n’a pas été révélé, mais celui – fort onéreux – du Disneyland hongkongais (57 euros) représente un quart du revenu mensuel moyen en Chine populaire.
Des prix élevés ne devraient toutefois pas dissuader le public, estime He Jianmin, professeur à l’Université de Finance de Shanghai : « C’est un projet d’un format inédit en Chine », a-t-il commenté, tablant sur une fréquentation initiale de sept millions de visiteurs par an, puis de 16 millions à terme.
Balayant les rues à proximité du chantier, un cantonnier observe les palissades avec perplexité. « Ce sera certainement beaucoup d’amusement pour ceux qui iront. Mais ce ne sera sans doute pas pour moi ».
AFP