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« Digiferme » dans la Meuse : l’agriculteur de demain sera-t-il un geek ?


Les initiatives fleurissent pour développer l'agriculture connectée. (photo d'illustration AFP)

Enfiler des lunettes connectées, regarder ses cultures, et savoir en quelques secondes si elles sont malades, de quoi elles souffrent et quel soin leur apporter: l’agriculteur de demain sera-t-il un geek accro à internet ?

« Ce n’est pas pour demain », reconnaît Pascaline Pierson, responsable de la « digiferme » installée par Arvalis-Institut du végétal à Saint-Hilaire-en-Wöevre (Meuse). « Mais sans doute pour après-demain ».

Sur cette ferme expérimentale, entourée d’ingénieurs et de techniciens, elle teste ce qui pourrait être l’agriculture de demain: ultra-connectée, moins pénible, mais aussi plus écologique.

« Il y a trois niveaux de recherche », explique Mme Pierson: « tester l’existant, tester ce qui peut exister demain, et faire de la recherche et du développement ».

C’est via ce troisième axe que sont nées les lunettes connectées, qui permettent notamment de garder les mains libres en envoyant directement les données par commande vocale. La recherche porte aussi beaucoup sur les solutions de pâturages, la ferme comptant quelques 55 têtes de bétail.

« Aujourd’hui, la hauteur de l’herbe, ça se mesure à la main », explique Mme Pierson. « Notre ambition, c’est de trouver le bon capteur – laser, infrarouge… – qui permette de mesurer ». Et d’imaginer un agriculteur qui attacherait l’outil à ses bottes et saurait, uniquement en se promenant dans ses prés, combien de temps il peut encore laisser ses vaches paître à tel ou tel endroit.

Investissements coûteux

Aujourd’hui, à défaut de bottes high-tech, les agriculteurs ont déjà souvent une clé USB glissée dans la poche.

« On la branche directement sur le boitier du pulvérisateur ou du tracteur », explique Denis Franck, agriculteur à Verneville (Moselle), et « il déclenche tout seul (le pulvérisateur) quand il faut traiter ».

La quarantaine pas encore entamée, il cultive une centaine d’hectares de colza, orges et blé depuis 13 ans. Jamais réfractaire aux nouveaux outils technologiques, il a essayé cette année de faire survoler une de ses parcelles par un drone fixé sur un ULM.

Pour 11 euros par hectare survolé, il a reçu dans sa boîte mail une carte extrêmement détaillée de son champ lui indiquant centimètre par centimètre les doses d’azote nécessaire à son blé.

« Ca oscille entre 32 et 58 unités », explique-t-il devant la carte striée de zones rouges à vertes claires, « pour une moyenne de 40 unités ». Il n’a pas eu à faire lui même les réglages: le pulvérisateur n’a eu qu’à lire la clé USB.

C’est pratique, mais il ne renouvellera pas l’expérience: « d’habitude je pulvérise partout 44 unités », explique l’agriculteur. Les économies qu’il pourrait faire avec un drone sont trop faibles pour en justifier la location.

D’autant qu’il a déjà investi: il faut compter 11.000 euros pour ajouter l’option « agriculture de précision » sur un pulvérisateur. Auxquels se sont ajoutés l’année dernière deux nouveaux tracteurs munis de l’autoguidage – 15.000 euros en plus par véhicule.

Des tracteurs flambants-neufs qui font la différence surtout sur l’épandage. « Avant, cela se faisait manuellement: on ouvrait quand on pensait qu’il fallait épandre, et on fermait quand cela suffisait. Là, le GPS donne l’ordre, et on s’aperçoit que, quand on le faisait manuellement, on ouvrait beaucoup trop tôt, et on fermait beaucoup trop tard. Du coup on économise de l’engrais, et c’est meilleur pour les sols ».

Cet investissement, il a pu se le permettre en partageant les coûts avec un voisin. Mais pour certains, la ferme du futur a surtout été synonyme de difficultés financières. « C’est vrai que des producteurs laitiers ont été mis en difficulté après l’achat de robots de traite », reconnaît Mme Pierson.

S’il est un investissement que Denis Franck serait prêt à faire, ce serait pour un « pulvérisateur qui détecte les mauvaises herbes, et ne passe qu’à cet endroit » – des économies en perspective, bonnes pour les sols.

L’un des axes de la recherche porte précisément sur les produits phytosanitaires et leur substitution, souligne Mme Pierson: « si demain on a plus le droit de mettre du glyphosate: comment gère-t-on le désherbage ? »

Le Quotidien / AFP

Plus d’infos sur le projet de « digifermes » sur le site d’Arvalis

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