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Déserts médicaux : un bus itinérant dans la campagne allemande


Le véhicule fait chaque semaine le tour de six villages dans la région de Hesse où, comme ailleurs en Europe, les praticiens se raréfient. (photos AFP)

Depuis que le dernier médecin a quitté son village de Weissenborn il y a quelques années, l’ancien maire Arno Mäurer, 79 ans, doit parcourir huit kilomètres pour consulter son généraliste. Mais depuis cet été, le Medibus, un cabinet médical installé dans un bus rouge et jaune, sillonne la campagne allemande vieillissante.

Il s’arrête le mardi et le jeudi dans cette bourgade de 1 000 habitants. « Le jour viendra où je ne pourrai plus conduire de voiture, et je serai alors entièrement dépendant du Medibus », constate Arno Mäurer, qui alterne les déplacements chez son médecin, souvent surchargé, et les consultations dans le bus.

Lancé par la fédération des médecins de Hesse (centre-ouest de l’Allemagne), le véhicule fait chaque semaine le tour de six villages dans cette zone où, comme ailleurs en Europe, les praticiens se raréfient. A son bord, le Dr Matthias Roth a reçu 35 patients par jour sur les trois derniers mois, soit l’équivalent d’un cabinet « classique » de généraliste, selon la fédération. Près de 70% d’entre eux ont plus de 55 ans et 30% plus de 76 ans.

« C’est un cabinet complet, on a tout à bord pour diagnostiquer et soigner les patients », explique-t-il, assis derrière son ordinateur au fond du véhicule, stationné devant la mairie de Cornberg, 1 600 habitants. Carsten Lotz, coresponsable du projet à la fédération, se réjouit de ce « très grand succès », alors que la Hesse, région qui entoure Francfort, manque de plus de 170 médecins, malgré les aides à l’installation.

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Incitations financières

La fédération des médecins de Hesse accorde ainsi 66 000 euros maximum sur cinq ans pour l’ouverture d’un nouveau cabinet dans certaines zones. Les médecins repoussant leur départ en retraite peuvent également recevoir jusqu’à 2 000 euros par trimestre. Parallèlement à ces deux mesures, le Medibus a reçu, lui, une autorisation exceptionnelle pour pratiquer la « médecine foraine », en principe interdite.

Le projet suscite néanmoins des inquiétudes, notamment auprès d’élus locaux qui « veulent un médecin résident » dans leurs communes, explique Carsten Lotz. « Notre travail reste d’attirer de jeunes médecins et le Medibus n’est qu’un complément » là où les efforts ne paient pas, plaide le responsable. Le Dr Roth concède que ce cabinet ambulant n’est « pas idéal », mais il n’y voit pas pour autant « une concurrence pour les médecins établis ».

Côté patients, Arno Mäurer préférerait « bien sûr » un médecin à demeure. Mais en attendant « ce miracle », le Medibus « doit absolument être conservé », soutient-il. « C’est mieux que rien », insiste cet ancien maire, alors que la pérennité du projet n’est pas garantie : il doit pour l’instant durer deux ans, pour un coût total de 600 000 euros. Loin de se limiter à l’Allemagne, la multiplication des déserts médicaux et les réflexions pour y remédier concernent une grande partie de l’Europe.

LQ/AFP