« Ce serait une bonne chose d’interdire le glyphosate », reconnaît Olivier de Marcillac. Comme la grande majorité des vignerons bordelais, il laisse désormais l’herbe pousser entre les rangs de ses vignes mais, rentabilité oblige, il pulvérise toujours cet herbicide à leur pied pour protéger les grappes.
Si l’Union européenne décidait mercredi son interdiction, « je devrais travailler mes sols au moins quatre fois par an, ça veut dire plus de matériel, de main d’oeuvre… et donc ça augmenterait mon coût de production », explique le propriétaire du château la Pierrière dans l’appellation Castillon (Gironde). Au pied des plants, il s’est résigné à un « compromis » : deux traitements chimiques par an en baissant les doses de 25% et un passage mécanique au tracteur.
Devant son château, à Gardegan-et-Tourtirac, un tracteur passe la herse rotative pour préparer un semis d’engrais verts comme les féveroles et l’avoine entre les rangs tandis que pousse l’herbe bien verte sur une autre parcelle afin d’éviter l’érosion.
Cette pratique, déjà adoptée sur plus de 85% du vignoble bordelais, est obligatoire pour les 230 exploitations de Castillon. Une dizaine d’autres appellations comme Bordeaux vont bientôt inscrire cette même mesure dans leur cahier des charges.
Mais sous le rang même de la vigne, une grande partie des vignerons continue de pulvériser du glyphosate pour laisser la terre nue. Car l’herbe y serait « un vrai ascenseur à maladies » remontant jusqu’aux précieuses grappes, dit Yannick Sabaté du château Fontdaube, à Saint-Magne-de-Castillon.
Les herbicides étant proscrits en bio, son frère Christian passe au printemps et en été l’interceps, un outil situé entre les roues avant et arrière de son vieux Massey Ferguson pour couper l’herbe tout en préservant le pied de vigne.
Ce travail sous le rang se révèle plus complexe que de laisser l’herbe pousser ou de pulvériser un herbicide à base de glyphosate, facile d’utilisation, rapide et bon marché mais peut-être cancérogène et polluant les eaux.
Pour travailler les sols, les vignerons achètent du matériel spécifique qui varie selon le type de sols, l’écartement entre les rangs de vignes… mais l’outil miracle n’existe pas et chaque cas est particulier.
‘C’est du luxe !’
A cela s’ajoute une formation ou bien de la main d’oeuvre qualifiée, qui fait défaut dans la région, pour pouvoir manœuvrer ces outils. Les passages dans les vignes sont aussi plus fréquents (quatre à six fois par an avec le travail du sol contre deux à trois avec un herbicide) et trois fois moins rapide, ce qui provoque davantage d’usure du matériel, des frais supplémentaires de gasoil et le tassement des sols.
« Avec 50 hectares, un chauffeur ne fait que ça de mai à juillet », note Yann Todeschini, du château La Brande à Belvès-de-Castillon et du château Mangot dans l’appellation limitrophe de Saint-Emilion. Et même avec les aides publiques locales, tout le monde ne peut se permettre de passer au travail du sol intégral.
« On le fait, c’est du luxe qu’on peut se permettre en valorisant notre vin », explique-t-il. Ce coût supplémentaire se répercute à hauteur de 50 à 70 centimes sur ses bouteilles. « Mais en vendant par exemple en vrac, cette hausse de prix n’est pas possible. Quand on a un menu à 10 euros, on ne peut pas servir du foie gras ».
Depuis 2009, Yann Todeschini a fait le choix avec son frère de se passer d’herbicide, au grand dam de son grand-père qui avait « honte de voir ses vignes sales » avec de l’herbe et était inquiet économiquement.
« On a eu une baisse de rendement au début et on le regagne trois à cinq ans plus tard avec une vigne plus équilibrée grâce à une meilleure vie des sols. C’est un mal pour un bien ! », lance le jeune vigneron qui préconise d’y aller progressivement et de proposer des solutions avant d’interdire le glyphosate, l’un des nombreux pesticides utilisés dans la vigne.
Le Quotidien / AFP