« Ça a dû être l’enfer ici… », lance Evgueni, pensif, le regard fixé sur l’unique mur qui subsiste de sa maison, calciné et criblé d’éclats d’obus. Il y a dix jours, cet ancien routier est revenu à Nikichiné, dans l’est de l’Ukraine, désormais ville fantôme.
Dans ce village de 700 habitants avant la guerre, aucun bâtiment n’a été épargné par les bombardements. Chacun tente maintenant de retrouver un bout de sa vie dans les décombres. (Photos : AFP)
« J’ai retrouvé les restes de mon frigo plantés dans un jardin deux maisons plus loin, raconte Evgueni. Ce serait plus simple de tout débarrasser et de tout reconstruire. Mais il n’y a pas d’argent et pas de travail. »
Dans ce village de 700 habitants avant la guerre, aucun bâtiment n’a été épargné par les bombardements. Dans les ruines qui décorent aujourd’hui l’allée centrale gisent encore pèle-mêle de vieux tapis, des livres, des peluches ou des poupées. Ici, une garnison de soldats ukrainiens a tenté pendant plus de deux mois de résister à l’avancée des rebelles pro-russes avant de battre en retraite à quelques centaines de mètres sur la route plus en amont.
> Océan de douilles
De leur quartier général, il ne reste qu’une pile de caisses à munitions vides et un océan de douilles de tous les calibres. À l’entrée du village, Nikita, un enfant de 12 ans, fouille les décombres. Dans ses mains, deux conserves de thon poussiéreuses et un sachet de sucre. « Presque tout le monde a fui. Certains en voiture, d’autres à pied. Chacun a fait comme il pouvait », explique-t-il. Lui et sa famille sont revenus à Nikichiné il y a deux semaines et tentent de retrouver un semblant de vie au milieu de ce paysage apocalyptique.
Non loin de l’école municipale, qui a servi de quartier général aux rebelles, Valentina et Vassili Balakhtine ont retrouvé leur maison entièrement détruite. Ces deux retraités ont passé la plus grande partie des combats chez des amis à une vingtaine de kilomètres de là. « Comment va-t-on vivre maintenant ? Qui va nous aider ? » s’interroge Vassili, un ancien mineur de 75 ans. « Nous n’avons nulle part où aller. »
Ce qu’il reste d’une roquette Grad trône dans le potager avoisinant, plantée dans le sol au milieu d’une rangée de patates. « Je vais y accrocher le drapeau de la DNR », la république proclamée par les séparatistes dans la région, ironise Valentina, qui explique qu’un tank ukrainien stationnait dans leur allée.
> Noyés dans les décombres
Dans la maison d’en face, les nombreuses caisses de munitions qui se mêlent aux morceaux de murs détruits suggèrent que la bâtisse était utilisée comme entrepôt par l’un des deux camps. Les obus ont commencé à pleuvoir en septembre, et, malgré l’abandon du village par les Ukrainiens quelques semaines plus tard, les bombardements y ont continué jusqu’à la mi-février, en raison des combats acharnés pour la ville de Debaltseve, à une quinzaine de kilomètres plus au Nord.
« On a même reçu des roquettes Ouragan (NDLR : des missiles de plus de 300 kg). Des explosions tellement fortes qu’on a pas compris ce qui se passait ! », témoigne Svetlana, qui n’a pas quitté le village et a vécu la majeure partie des combats dans sa cave avec son père de 80 ans.
« Il voit très mal. Il m’a dit qu’il ne voulait aller nulle part et qu’il mourrait ici », soupire-t-elle en tentant de colmater avec une bâche en plastique et du scotch, le trou béant qui était autrefois sa fenêtre. « Les gens commencent petit à petit à revenir », assure pourtant cette infirmière de 51 ans qui ne mâche pas ses mots envers les soldats ukrainiens, qu’elle rend responsables des dégâts.
Si la plus grande partie du village reste désertée, dans plusieurs allées, des familles s’efforcent de réparer ce qu’il reste des toits ou à sortir de leur jardin les restes d’obus calcinés. Des rebelles sont venus sortir un cadavre des ruines d’une maison. « Si on nous aide, on vivra. On est prêts à recommencer de zéro », assure Svetlana, qui travaillait à la clinique locale avant qu’elle ne soit détruite, comme le reste du village. « Même si ce ne sont plus que des ruines, ce sont nos maisons. »
AFP
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