Accueil | Culture | Des pom-pom boys cassent les codes à coups de paillettes

Des pom-pom boys cassent les codes à coups de paillettes


Un short rouge moulant, des bretelles et un bandeau… Les Scrimmage People, l’un des premiers groupes de pom-pom boys en France, font le show partout où ils passent, interrogeant au passage la notion de masculinité.

Sur It’s Raining Men à fond, les fesses moulées dans un minishort en lycra rouge, ils enchaînent sauts de biche et pyramides… À la mi-temps, les Scrimmage People font le show pour s’amuser mais aussi «casser les codes de la masculinité». Les joueuses de roller derby qui ont invité ce groupe de pom-pom boys lillois pour animer un tournoi européen organisé dans un gymnase près de Namur, en Belgique, sont conquises. «Ils assument ce côté sexy, qui est d’habitude réservé aux filles, mais en même temps, ils ne sont pas bodybuildés. Ils viennent comme ils sont», salue Sophie Dubé, qui vient de quitter la piste casquée et harnachée de protections.

«Ils cassent les codes, un peu comme nous!», renchérit sa sœur Perrine, alias Pépé, férue de ce sport de contact, l’un des rares auxquels s’adonnent majoritairement des femmes, qui se pratique sur roller. Sous les hourras, les huit membres des Scrimmage People en guêtres, bretelles et bandeaux en éponge rouge, minaudent, secouent leurs pompons en rythme, ondulent du bassin, avant de se lancer dans de périlleuses pirouettes sur du Katy Perry ou du Britney Spears. «Ils sont courageux de faire ça», juge un spectateur. Mais «ce n’est pas trop mon truc».

Comptant parmi les premiers groupes de pom-pom boys en France, les Scrimmage People se sont lancés en 2016, dans le giron du club de roller derby de Lille, formés auprès des pionniers du genre, le groupe autrichien Fearleaders. Instituteur, vendeur, ou programmateur, ils sont une quinzaine à s’entraîner le mardi soir. «Le premier but est de s’amuser, mais il y a aussi un message : il n’existe pas une masculinité mais des masculinités», explique Camille Serrurier, 39 ans et rouflaquettes fournies, analyste web dans une enseigne de la grande distribution.

Depuis qu’il est pom-pom boy, il reconnaît reprendre davantage ses collègues «sur certains traits d’humour racistes, misogynes…». Maquillage pailleté, déhanchés et poses sexy, bande-son «pop plutôt féminine» : «On a envie de proposer des façons différentes d’être un homme», abonde Nathan Castelein, ingénieur barbu et trapu de 32 ans, pilier des Scrimmage depuis leurs débuts.

En tant qu’hommes blancs et hétérosexuels, on a une place de privilégiés qu’on veut remettre en question

«On pense qu’en tant qu’hommes blancs et hétérosexuels pour la majorité d’entre nous, on a une place de privilégiés qu’on veut remettre en question», dit-il, ravi d’évoluer «dans un collectif masculin mais sans les habitudes que j’avais d’entrer en compétition, de retenir mes émotions».

«On a prouvé que les femmes peuvent pratiquer un sport de contact. Eux sont en train de montrer que tout le monde peut porter du lycra et danser!», développe leur entraîneuse Emma Darquié. «Ce n’est pas une parodie. C’est une blague hyper-sérieuse!». Leur comparse, Valentin Becasse, rêve de faire des chorégraphies avec d’autres groupes de pom-pom boys. L’un existe déjà au sein du club de roller derby de Montreuil en Seine-Saint-Denis, un autre serait en cours de création en Auvergne.

Cela permettrait d’«améliorer le show» mais aussi de «promouvoir nos valeurs, et élargir les espaces de parole», dit-il. Comme son milieu d’origine du roller derby, un sport inclusif investi par les militantes féministes, le groupe est ouvert à tous les âges et toutes les physionomies. «On n’est pas des Chippendales!», souligne David Cuntrera, un père de famille quadragénaire. Le groupe, ambitionne-t-il, doit passer à la vitesse supérieure, «sortir de la zone de confort» des compétitions de roller derby, afin de «faire bouger les choses» dans d’autres enceintes sportives.

Cela a été le cas en septembre dernier, quand les Scrimmage People ont animé la mi-temps d’un match de rugby masculin à Biarritz. «On était hyper-stressés, il y a eu un flottement quand on est arrivés sur le terrain, mais au final ça s’est bien passé», raconte David. Même si, se souvient-il, «on a eu des réflexions du style « bravo les filles », ou « salut les mignonnes »», preuve de la difficulté à remettre en question les stéréotypes masculins.