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Des bombes au succès télé : cinq ados de Gaza émeuvent le public arabe (Vidéo)


Keffieh autour du cou et instruments en main, cinq adolescents gazaouis ont ému en quelques minutes le jury d’Arabs Got Talent et s’apprêtent à conquérir des millions de téléspectateurs dans le monde arabe avec la musique qu’ils ont répétée sous les bombes.

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Les membres du groupe « Al-Takht al-Charqi » en pleine répétition. (Photo : AFP)

L’histoire du groupe « Al-Takht al-Charqi », littéralement « l’Orchestre arabe », a débuté au plus fort de la guerre ayant opposé soldats israliens et combattants palestiniens l’été dernier. Alors que les jeunes musiciens, comme 1,8 million d’autres Gazaouis, étaient sous le feu nourri des bombardements israéliens, leurs professeurs de musique ont décidé d’envoyer leur candidature à l’émission de la chaîne saoudienne MBC, très suivie dans le monde arabe.

Le petit groupe a vécu les trois guerres menées par Israël en six ans. Ils ont vu les maisons détruites, perdu des proches, et n’ont quasiment connu la bande de Gaza que sous le sévère blocus israélien. Pendant les 50 jours du dernier conflit, « je jouais de la derbouka (un tambour traditionnel) pour essayer de couvrir le buit des bombardements, mais ils étaient toujours plus forts que ma musique », raconte à l’AFP Ramzy al-Far, 14 ans. « On cherchait à rester en vie avant tout. C’était dur de penser à notre prestation alors qu’on avait tout le temps peur », renchérit Siraj al-Sarssaoui, joueur de luth de 16 ans. Mahmoud Kahil, 13 ans, n’est, lui, presque jamais parvenu à finir un morceau sur son qanoun, la cithare arabe, dont il s’emparait pour combattre la peur et l’ennui. « Je le lâchais et je fuyais en courant dès que j’entendais un bombardement près de chez nous ».

> « Ailleurs, les gens n’ont pas peur »

Lui qui a tenu bon pendant la guerre a éclaté en sanglots en janvier lorsque le jury a pressé le buzzer doré qui les a propulsés directement en demi-finales. La vidéo de leur prestation fait fureur sur les réseaux sociaux. A chaque trêve, tous les cinq se précipitaient pour aller répéter avec leurs camarades rencontrés dans la seule école de musique de Gaza, l’école Edward Saïd, ouverte en 2008. Deux semaines après le cessez-le-feu signé le 26 août, avec deux de leurs professeurs, ils ont obtenu le droit de traverser la frontière vers l’Egypte pour s’envoler vers Beyrouth, où est tournée l’émission.

Pour la plupart d’entre eux, c’était la première fois qu’ils quittaient leur petit territoire coupé du monde. Quand il a posé le pied dehors, Ahmed al-Madhoun, le chanteur, a été étonné: « Il n’y avait aucune maison détruite et on n’entendait plus le bruits des avions de guerre ». En fait, raconte ce Gazaoui de 14 ans, « ailleurs dans le monde, on vit en sécurité, et les gens n’ont pas peur tout le temps comme nous ».

La guerre de l’été 2014, la plus longue et la plus meurtrière dans la petite enclave, a tué près de 2.200 Palestiniens, en grande majorité des civils. Plus de 500 enfants ont été tués, plus de 200 écoles endommagées ou détruites selon l’ONU. Côté israélien, le conflit a fait 73 morts, en grande majorité des soldats. Pour Rima Ashour, la seule fille du groupe, qui joue du nay, la flûte en bois traditionnelle de la musique arabe, braquer les projecteurs sur des jeunes Gazaouis était important. « On a dit au monde que nous, les enfants de Gaza, on aime la vie.

On joue de la musique pour la paix, pas pour la guerre », lance cette adolescente brune de 15 ans. Avec ses camarades, elle a obtenu le droit de quitter de nouveau Gaza pour poursuivre la compétition à Beyrouth et tenter d’obtenir assez de votes du public lors de la prochaine émission fin février. Mais gagner n’est pas le principal pour elle. « La seule chose qu’on demande, c’est de vivre comme tous les enfants du monde : sans blocus et sans peur ».

AFP