Film-évènement de l’année 2020, détenteur de tous les records, Demon Slayer – The Movie : Mugen Train, suite de la série animée du même nom, arrive dans les salles du pays précédé d’une réputation. Et se montre à la hauteur.
C’est le film-évènement du moment. Dès son premier jour d’exploitation au Japon, en octobre dernier, Demon Slayer – The Movie : Mugen Train s’est imposé comme le pourfendeur de tous les records : premier au box-office mondial en 2020, il a été, au pays du Soleil levant, le meilleur démarrage de tous les temps et, en à peine dix jours, est devenu le film le plus lucratif, celui ayant fait le plus d’entrées et le film d’animation japonais le plus vu au cinéma. Un triple record détenu jusqu’alors par un autre film d’animation nippon, Le Voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001), battu à plate couture après avoir conservé son titre de champion pendant vingt ans. La prouesse est d’autant plus folle qu’elle est réalisée en pleine période de Covid-19, et si le Japon n’a pas confiné sa population, les cinémas, eux, ont tout de même imposé un protocole sanitaire à suivre et des jauges restreintes. Et le film, lui, est encore à l’affiche.
Très attendu ailleurs dans le monde, le long métrage, qui suit immédiatement les aventures du chasseur de démons Tanjirô Kamado commencées dans la série animée Demon Slayer : Kimetsu no Yaiba, a fait le même carton dans le reste du continent asiatique et aux États-Unis, où il est sorti fin avril en devenant le premier film non américain à prendre la tête du box-office. Aujourd’hui, tandis que les cinémas rouvrent chez nos voisins français après 300 jours de fermeture cumulés depuis le premier confinement, les démons envahissent les écrans luxembourgeois. Pour battre un nouveau record ?
Au sommet de la gloire
Petit cours de rattrapage si vous êtes encore étranger à la tornade Demon Slayer : le premier chapitre du manga signé Koyoharu Gotôge – rare femme mangaka dans un pays conservateur où le métier est réservé aux hommes – est prépublié début 2016 dans l’incontournable revue Weekly Shônen Jump. Très vite, avec sa publication en volumes, le manga devient un phénomène, amplifié en 2019 avec la première saison de l’anime, diffusée en France, au Luxembourg et dans tous les pays francophones sur la plateforme Wakanim, en même temps que sa diffusion japonaise. Après la sortie de la série animée, Demon Slayer devient le best-seller de l’année au Japon, propulsant Koyoharu Gotôge au sommet de la gloire, dans une industrie qui a eu du mal à trouver le digne successeur des triomphes de Naruto (terminé en 2014) et One Piece (toujours en cours). Aujourd’hui, le film de Haruo Sotozaki – déjà réalisateur de la série – se charge du reste.
Dans la première saison de la série, Tanjirô, vendeur de charbon dans le Japon du début du XXe siècle, voit sa famille massacrée par des démons. Sa petite sœur, Nezuko, est la seule survivante, mais se transforme elle aussi en démon. Tanjirô suit alors l’entraînement du «sensei» Urokodaki pour devenir un chasseur de démons et venger sa famille. De mission en mission, entouré de ses comparses, le peureux Zenitsu et le sauvage Inosuke, Tanjirô affronte alors, avec son épée à la lame noire, des créatures maléfiques toujours plus dangereuses.
De beaux rêves
À la fin de la première saison, le corbeau de liaison qui annonce à Tanjirô ses nouvelles missions l’envoie, avec Zenitsu et Inosuke, à bord d’un train, pour rencontrer le «pilier de la Flamme» Rengoku et, ensemble, éliminer un démon ayant fait plus de quarante victimes. C’est à bord du train que le film reprend l’action, pour une aventure que Tanjirô, comme le spectateur, n’est pas près d’oublier. Le démon, lui, est plus dangereux que tous les précédents réunis : il sait esquiver les attaques fatales du jeune chasseur et sa tête repousse après avoir été coupée.
Pendant deux heures, on retrouve avec un plaisir immense ce qui fait la réussite de la série : une animation léchée, qui mélange les techniques et qui se pare de couleurs éclatantes, des scènes d’action spectaculaires qui continuent de faire la part belle à la violence graphique (au vu de sa distribution en salle, on aurait pu craindre que les décapitations ne soient plus aussi légion que dans la série : il n’en est rien), un mélange bien dosé d’aventure et d’humour… Et une histoire captivante, qui renvoie étrangement à la situation actuelle.
Avec ses pouvoirs, le méchant endort les passagers du train, dont les héros, et accomplit son mal pendant leur sommeil. Tanjirô fait de beaux rêves : il se revoit avec sa famille, bien vivante, dans des séquences où l’émotion est garantie. Si la série abordait déjà les mêmes thèmes en filigrane, le film parle plus explicitement de protéger et de donner de l’amour à ses proches, et de la résilience que l’on doit avoir face au danger et à la mort. Des discours universels qui survivront bien à la pandémie…
Valentin Maniglia