Vangelis, le compositeur grec de « Blade Runner » décédé mardi à l’âge de 79 ans, était un pionnier de la musique électronique, oscarisé pour sa bande originale des « Chariots de feu ».
Sa mort a été annoncée jeudi par le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis. « Vangelis Papathanassiou n’est plus parmi nous », a-t-il tweeté sans aucune autre précision. « C’est un choc » et « une grande perte pour le monde de la musique en générale, la musique de films et pour l’histoire des musiques électroniques dont il était un des pionniers », a affirmé jeudi soir à l’AFP le compositeur français Jean-Michel Jarre.
Durant sa carrière de plus de 50 ans, l’artiste surnommé Vangelis a trouvé son inspiration dans l’exploration spatiale, la nature, l’architecture futuriste, le Nouveau Testament et le mouvement étudiant de mai 1968. Ce génie du clavier autodidacte a toujours aimé multiplier les expériences et était passé avec aisance du rock psychédélique et du synthé à la musique ethnique et au jazz.
Sa bande originale pour « Les Chariots de feu » de Hugh Hudson a été oscarisée face à la musique de John Williams réalisé pour le premier film d’Indiana Jones en 1982. En tête des classements américains, sa composition a été aussi un tube au Royaume-Uni et a été utilisée pour les Jeux Olympiques de 2012 à Londres.
Parmi la douzaine de bandes originales qu’il a composées figurent celles du film de Costa-Gavras « Missing », de « 1492: Christophe Colomb » de Ridley Scott, de « Lunes de fiel » de Roman Polanski et d' »Alexandre » d’Oliver Stone. Il a également écrit des musiques pour le théâtre et le ballet, ainsi que l’hymne de la coupe du monde FIFA en 2002.
Enfant prodige
Evangelos Odysseas Papathanassiou est né en 1943 dans le village d’Agria près de Volos (centre). Enfant prodige, il a donné son premier concert de piano à l’âge de 6 ans, sans avoir vraiment pris de cours. « Je n’ai jamais étudié la musique », a-t-il confié au magazine grec Periodiko en 1988 déplorant également « l’exploitation » croissante imposée par les studios et les médias. « Tu peux vendre un million de disques et avoir l’impression que c’est un échec. Ou tu peux ne rien vendre du tout et te sentir très heureux », avait-il dit.
Après avoir étudié la peinture à l’Ecole des Beaux-arts d’Athènes, Vangelis a rejoint le groupe de rock grec les « Forminx » dans les années 60. Leur succès a été stoppé net par la junte militaire en 1967 qui a mis un frein à la liberté d’expression.
Essayant de rejoindre le Royaume-Uni, il s’est retrouvé bloqué à Paris lors du mouvement étudiant de mai 1968, et avec deux autres exilés grecs, Demis Roussos et Lucas Sideras, il a formé un groupe de rock progressif « Aphrodite’s Child ».
Le groupe a vendu des millions de disques avec des succès tels que « Rain and Tears » avant de se dissoudre en 1972. Relocalisé à Londres en 1974, Vangelis a créé les studios Nemo, « un laboratoire du son », producteur de la plupart de ses albums.
« Le succès est perfide »
« Le succès est doux et perfide », avouait le compositeur à la crinière de lion à l’Observer en 2012. « Au lieu de pouvoir avancer librement et faire ce que vous voulez vraiment, vous vous retrouvez coincé et obligé de vous répéter », avait-il aussi ajouté. En 2019 dans une interview au Los Angeles Times, le musicien affirmait voir des parallèles avec la dystopie décrite dans le film « Blade Runner » de Ridley Scott. « Quand j’ai vu les images, j’ai compris que c’était ça l’avenir. Pas un bel avenir, bien sûr. Mais c’est vers quoi nous allons », a-t-il déclaré.
Vangelis, qui a eu une planète renommée de son nom en 1995, avait une fascination pour l’espace. « Chaque planète chante », avait-il déclaré à ce journal en 2019. En 1980 il participe à la musique du documentaire scientifique Cosmos, récompensé par le prix Carla Sagan.
Il a écrit la musique pour la NASA de l’Odyssée sur Mars en 2001 et des missions Junon Jupiter en 2011, et a été inspiré dans un album nominé aux Grammy Awards par la mission de la sonde spatiale Rosetta en 2016. En 2018, il compose un morceau pour les funérailles de Stephen Hawking qui mentionnait les derniers mots du professeur célèbre.
Durant les dernières années, il a partagé son temps entre Paris, Londres et Athènes, restant discret sur sa vie privée. « Il habitait à Paris et avait arrêté la musique pour se consacrer à la peinture », a indiqué Jean-Michel Jarre.
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