Célèbre pour ses «one woman shows» drôles et féroces à souhait, inspiratrice de nombreux comiques, la comédienne et humoriste Sylvie Joly s’est éteinte vendredi à 80 ans après une carrière de plus de 40 ans interrompue par la maladie de Parkinson.
«Sylvie souffrait d’une maladie de Parkinson sévère, qui n’est pas forcément mortelle. Elle s’est éteinte d’un arrêt cardiaque en fin de nuit, à notre domicile à Paris», a déclaré son mari Pierre Vitry.
Admiratrice de sa grande aînée Jacqueline Maillan, Sylvie Joly a inspiré de nombreux comiques dont Muriel Robin, Florence Foresti ou Pierre Palmade, son filleul de théâtre, dont elle avait mis en scène le premier spectacle.
Née le 28 octobre 1934 à Paris dans une famille nombreuse, la comédienne a une jeunesse turbulente: «Les pauvres bonnes sœurs, je leur en ai fait voir!». Elle est éjectée de sept institutions religieuses.
Ce qui ne l’empêche pas, sous la pression familiale, d’être pendant cinq ans avocate dans le cabinet parisien de Me Jacques Isorni, le défenseur de Pétain.
Passée la trentaine, elle change de vie et s’inscrit au cours Simon, tout en lançant le premier dépôt-vente de vêtements chics de la capitale. Cette idée s’avère excellente – Brigitte Bardot y va souvent – mais ne la détourne pas de son rêve: monter sur les planches.
Dès lors, elle alterne cinéma et théâtre. Mais c’est avec ses sketches iconoclastes, où elle fustige le politiquement correct, que «la lionne», son surnom, remplit les salles.
Son ironie cinglante s’exprimait à merveille dans ses «one woman shows», exercice dont elle est une pionnière, avec «Show bourgeois», «La si jolie vie de Sylvie Joly», «La cigale et la Joly», «Ne riez jamais d’une femme qui tombe» ou «La vie, c’est pas de la rigolade».
Le travail d’écriture et de mise en scène était réalisé par des proches, dont sa sœur Fanny et, au début, son frère Thierry.
« Nominationnée aux escarres »
Grande, charpentée, pétillante sous ses boucles blondes, elle était souvent habillée en rose, sa couleur fétiche.
Elle était, dans ses sketches, irrésistible en fofolle chic, «duduche» du 16e arrondissement, productrice de télé hystérique, postulante malchanceuse au permis de conduire, vieille strip-teaseuse ou même «nominationnée aux escarres» (sic). Avec elle, la situation la plus banale devenait drolatique. Et elle savait mieux que personne moquer les travers de ses contemporains.
Devenue au fil des ans une icône homosexuelle, Sylvie Joly ne pensait pas qu’il existait un humour féminin: «Une femme snob, c’est pareil qu’un homme snob, un imbécile pareil qu’une imbécile et l’humour, c’est l’humour.» Mais, assez pudique, finalement tendre avec les personnages qu’elle croquait, fidèle à son public et à son style, elle se fixait des limites, incapable de faire rire de la souffrance des autres.
Au cinéma, elle a travaillé avec de grands réalisateurs comme Yves Robert («Salut l’artiste»), Bertrand Blier («Les valseuses», «Préparez vos mouchoirs»), Jean-Pierre Mocky («Le miraculé», «Les saisons du plaisir»), Claude Lelouch («Les misérables») ou Jean-Marie Poiré («Ma femme s’appelle Maurice»). Mais, de son propre aveu, le cinéma ne lui a jamais apporté le rôle dont elle rêvait. Elle a aussi tourné pour de nombreux téléfilms.
Au théâtre, qu’elle aimait sans réserve, Sylvie Joly a joué dans des pièces de Ionesco, Tchekhov ou Marivaux et a été dirigée par Tania Balachova ou Georges Wilson.
A quelques jours de ses 76 ans, elle avait révélé dans son autobiographie être atteinte de la maladie de Parkinson.
«En roulant sur une piste cyclable, je ne peux m’empêcher de mettre vingt fois le pied à terre. Je consulte et de généraliste en spécialiste, tombe un diagnostic comme le ciel qui menaçait toujours de tomber sur la tête des Gaulois!», écrit-elle dans «C’est votre vrai nom?» (Flammarion).
«Syndrome parkinsonien. Rassurez-vous, ce n’est pas contagieux!» lui dit le médecin. «Ah, c’est quand même une merde!» rétorque-t-elle. «Mais, un beau jour, je me casse le col du fémur et là, le syndrome s’est mis à m’attaquer sec…»
AFP/M.R