Connu pour ses dessins au vitriol, Siné, qui vient de mourir jeudi à l’âge de 87 ans, a été une figure historique de Charlie Hebdo d’où il fut écarté en 2008, après plus de 20 ans de collaboration.
Le caricaturiste provocateur, qui eut souvent maille à partir avec la justice, adorait taper sur les capitalistes, les colonialistes, les flics, les militaires ou les religions. Passionné de jazz, il était aussi l’auteur d’albums tendres sur les chats.
Maurice Sinet naît le 31 décembre 1928 à Ménilmontant, quartier populaire de Paris. Son père est forgeron, sa mère tient une épicerie. Jeune, il étudie le dessin et la maquette, tout en chantant au sein d’un groupe. Son premier dessin paraît en 1952 dans France-Dimanche. En 1955, il reçoit le grand prix de l’humour noir pour son recueil Complainte sans paroles.
En 1959, il commence à dessiner des chats. C’est le succès. Il rejoint L’Express qu’il quitte en 1962 pour créer Siné Massacre qui ne comptera que 7 numéros. En 1968, il fonde le tout aussi éphémère L’Enragé avec l’éditeur Jean-Jacques Pauvert.
Évincé de Charlie
En 1974, Siné intègre la première équipe de Charlie. Il se lie d’amitié avec les fortes personnalités du journal que sont Reiser, Cavanna, Wolinski, Gébé ou Willem. En 1981, il passe à L’Événement du Jeudi. En 1992, il revient à Charlie. Parallèlement, il travaille « sans états d’âme », selon ses mots, pour la publicité.
Siné soutient en 2004 la liste Euro-Palestine de Dieudonné. Taxé d’antisémitisme, ce qu’il réfutait, il est écarté en 2008 de Charlie Hebdo par le directeur de la publication Philippe Val. L’affaire, qui fit grand bruit, était partie d’une chronique dans laquelle Siné ironisait sur la conversion éventuelle de Jean Sarkozy, fils du président, au judaïsme avant son mariage avec la fille du fondateur des magasins Darty. Journalistes et intellectuels s’étaient alors divisés entre pro-Val et pro-Siné. Dans cette affaire, Siné a été poursuivi par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) pour « incitation à la haine raciale », mais relaxé par le tribunal, qui a considéré que ses propos tenaient plus de la satire que de l’antisémitisme. Et en 2010, Charlie Hebdo a été condamné pour avoir rompu abusivement le contrat qui le liait au caricaturiste.
Obsédé par la mort
Après son départ de l’hebdomadaire satirique, il fonde Siné Hebdo mais le magazine ferme rapidement. En 2011, en dépit d’ennuis de santé, il lance Siné Mensuel, qui face à des difficultés financières l’an dernier avait lancé un appel aux dons.
« Il devait subir cette nuit une grave opération du poumon », a indiqué l’avocat de la famille, Dominique Tricaud. « Mais même gravement malade il avait encore dessiné lui-même la dernière couverture de Siné Mensuel« . Dans une dernière chronique cette semaine, il racontait ne plus penser qu’à sa mort prochaine, « obsessionnellement ».