L’écrivain Michel Tournier, l’un des grands auteurs français de la seconde moitié du XXe siècle, Prix Goncourt pour « Le roi des Aulnes » en 1970, est décédé lundi à l’âge de 91 ans, chez lui à Choisel.
« Il est décédé à 19 heures ce soir », entouré de ses proches, a précisé son filleul, Laurent Feliculis, que l’écrivain considérait comme son fils adoptif. « On vivait 24 heures sur 24 avec lui, il ne pouvait plus rester tout seul depuis trois mois. Dès qu’il marchait, il avait tendance à tomber, on s’occupait de lui », a déclaré Laurent Feliculis. L’écrivain habitait depuis plus d’un demi-siècle dans l’ancien presbytère du village. « Dans les derniers temps, il ne voulait plus se battre, c’était la vieillesse », a dit Laurent Feliculis.
Son décès a également été confirmé par le maire de cette commune de quelque 550 habitants, Alain Seigneur. Un voisin, l’avocat Jean Reinhart, a précisé qu’il était passé le voir la veille. « Il était malheureusement très mal en point et on s’attendait à une issue rapide, il ne sortait plus de chez lui », a-t-il dit. « C’était un personnage de Choisel, tout le monde le connaissait », a-t-il ajouté.
La disparition de Michel Tournier, cité fréquemment pour le Nobel et largement traduit, seul auteur à avoir obtenu le Goncourt à l’unanimité, a aussitôt suscité des hommages du monde politique et de la culture. François Hollande a loué un « immense talent », « entre réalisme et magie », Manuel Valls « un conteur hors pair ».
Bernard Pivot, président de l’Académie Goncourt, a tweeté : « Michel Tournier a rejoint ce soir les grands noms de l’histoire et des mythes dont il a été le génial romancier ».
Dès demain, je ne pourrai plus répondre Michel Tournier à la question: quel est le plus grand romancier français vivant ?
— bernard pivot (@bernardpivot1) 18 Janvier 2016
La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a évoqué « un morceau d’éternité » :
« À nos coeurs rendus malades par le temps, l’oeuvre d’art apporte un peu d’éternité ». Merci Michel #Tournier pour ce morceau d’éternité #rip
— Fleur Pellerin (@fleurpellerin) 18 Janvier 2016
Michel Tournier, dont l’oeuvre s’inspire des mythes fondateurs qu’il avait renouvelés avec humour et acuité, était venu à la littérature à plus de 40 ans. « Ce que j’avais à dire était à la fois tellement secret et tellement essentiel que j’ai eu besoin d’une longue maturation pour publier quoi que ce soit », expliquait-il.
En 1967, il obtient d’emblée le Grand Prix du roman de l’Académie Française avec « Vendredi ou les limbes du Pacifique ». Il confirme, trois ans plus tard, avec « Le Roi des Aulnes », porté à l’écran en 1996 par Volker Schloendorff, puis en 1975 avec « Les Météores ».
« Vendredi ou la vie sauvage »
Né le 19 décembre 1924 à Paris de parents germanistes, Michel Tournier était nourri de l’influence de l’Allemagne. Il avait étudié la philosophie à la Sorbonne et à l’université de Tübingen mais échoué à l’agrégation, ce dont il souffrira beaucoup. De 1950 à 1968, il a été traducteur, attaché de presse à Europe 1, éditeur chez Plon, présentateur d’une émission télé sur la photographie.
Son œuvre compte d’autres romans comme « Gaspard, Melchior et Balthazar » (1980), « Eléazar ou la source et le buisson » (1996), des recueils de nouvelles tels « Le Médianoche amoureux » (1989), des contes comme « Le Coq de bruyère » (1978), des essais comme « Le vol du vampire » (1981), des livres plus personnels comme « Le Vent Paraclet » (1977) ou « Journal extime » (2002).
Il avait également publié une dizaine d’ouvrages sur la photo et participé avec Lucien Clergue à la création des Rencontres photographiques d’Arles.
Il avait écrit pour les enfants, notamment « Vendredi ou la vie sauvage », adorant discuter de ses livres dans les écoles.
AFP
Les principaux romans de Michel Tournier
– Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967)
– Le Roi des aulnes (1970)
– Vendredi ou la Vie sauvage (1971)
– Les Météores (1975)
– Gaspard, Melchior & Balthazar (1980)
– Gilles et Jeanne (1983)
– La Goutte d’Or (1985)
– La Couleuvrine (1994)
– Eléazar ou la Source et le Buisson (1996)
Entretien en 1967 avec Michel Tournier à la sortie de son premier roman :