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Décès de la romancière française Benoîte Groult, grande figure du féminisme


Benoîte Groult en avril 2007. (photo AFP)

« Je ne suis née à moi-même que vers 35 ans », expliquait l’écrivaine, journaliste et féministe française Benoîte Groult, décédée à l’âge de 96 ans, qui, à travers ses livres et articles, a été l’une des grandes figures du combat pour la cause des femmes.

« Elle est morte dans son sommeil comme elle l’a voulu, sans souffrir », dans la nuit de lundi à mardi, a indiqué sa fille, Blandine de Caunes. »Elle a eu une tellement belle vie ».

Benoite Groult était venue à l’écriture à la quarantaine et, après avoir fait ses gammes avec sa soeur Flora (« Le Journal à quatre mains », « Le Féminin pluriel », et « Il était deux fois »), elle avait signé seule en 1972 un premier roman, « La Part des choses ». « Je ne suis née à moi-même que vers 35 ans », expliquait celle qui fut aussi journaliste.

Trois ans plus tard, à 55 ans, Benoîte Groult avait publié « Ainsi soit-elle », un essai virulent sur la condition imposée aux femmes. Ce livre-manifeste était devenu un éclatant succès de librairie avec un million d’exemplaires vendus et de multiples traductions.

Née le 31 janvier 1920 à Paris de parents plutôt mondains (son père est décorateur, sa mère, soeur du couturier Paul Poiret, est elle-même styliste), Benoîte Groult grandit dans une famille fantasque, sans cesse rabaissée par une mère qui ne la juge ni jamais assez belle, ni jamais assez brillante.

Professeur de lettres puis journaliste, Benoîte Groult mène la vie d’une jeune femme de son époque et de son milieu social. Trois maris (dont le journaliste Georges de Caunes et l’écrivain Paul Guimard), trois filles.

« Je me sentais une citoyenne de seconde zone, absente au monde et j’ai effectivement mis du temps à me réveiller », expliquera-t-elle plus tard.

Elle dit être devenue féministe en 1968, au contact d’autres femmes dont « les confidences et les doléances étaient les mêmes que les miennes ». Membre du jury du prix Femina, elle participe à la fondation d’un mensuel féministe, « F Magazine », dont elle sera l’éditorialiste jusqu’en 1982.

« Raconter le monde »

En 1984, elle est chargée par Yvette Roudy, la ministre socialiste des droits de la femme, de présider la Commission de terminologie pour la féminisation des noms. « Quand il n’y a pas de mots pour nous, c’est que nous n’existons pas », expliquait-elle. Elle se heurte à l’opposition de l’Académie française et se fait traiter de « précieuse ridicule ».

D’une plume alerte, mordante, elle écrit ensuite plusieurs romans dont « Les Trois-quarts du temps » (1983), récit attrayant dénonçant la phallocratie, puis « Les Vaisseaux du coeur » (1988), une histoire d’amour qui sera un autre succès de librairie. « C’est par l’écriture que je me suis construite de livre en livre », expliquera-t-elle.

En 2006, avec « La Touche étoile », elle s’attaque à un autre tabou, la vieillesse et la mort librement consentie. Elle défendait l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). « Le refus de la naissance choisie et de la mort choisie, c’est la même idéologie contre la liberté », disait-elle.

En 2008, elle publie son autobiographie, intitulée « Mon évasion » où elle confie qu’avec le recul, elle a « l’impression d’avoir vécu une interminable course d’obstacles ».

En 2013, elle publie une biographie de la révolutionnaire française Olympe de Gouges, pionnière du féminisme français.

« Avec Benoîte Groult disparaît une belle et grande figure du féminisme », a affirmé le président français François Hollande, en lui rendant hommage. « Par ses livres comme par ses engagements, elle a guidé et accompagné la conquête de chacun des droits qu’elle revendiquait pour les femmes, à commencer par celui de disposer de son corps », a-t-il ajouté, rejoignant plusieurs commentaires élogieux après l’annonce du décès de la romancière.

« Toutes ses œuvres, ses romans comme ses essais, témoignent qu’être féministe, c’est raconter le monde avec la volonté de rendre visible ce qui est invisible : les avortements clandestins, les mutilations sexuelles, la misogynie, le déclin de la vieillesse… », a abondé la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol.

Le Quotidien / AFP