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Décès de Jean-Louis David : l’as de la coiffure chic à la chaîne


Le concept de Jean-Louis David : des coiffures légères et élégantes, mais rapides et faciles à reproduire par des équipes formées par ses soins, puis à distance à l'aide de manuels vidéo dès la fin des années 1970. (photo AFP)

Il avait industrialisé l’expérience intimiste d’une coupe de cheveux en salon, tout en l’emballant dans un style chic et tendance : Jean-Louis David, mort mercredi à l’âge de 85 ans, était un pionnier français de la coiffure franchisée et l’inventeur du « dégradé ».

Depuis la vente de sa marque en 2002, il coulait une retraite dorée entre Epalinges (Suisse) et les îles Caïmans, paradis fiscal caribéen dont il avait obtenu la nationalité, selon le magazine économique suisse Bilan auquel il s’était confié en 2013.

Il parlait peu aux médias depuis plusieurs décennies, évitant en particulier la presse française en raison de sa réputation d’exilé fiscal.

En 2017, Bilan estimait sa fortune entre 100 et 200 millions de francs suisses.

Né le 24 mars 1934 dans une famille de coiffeurs originaire de Grasse, Jean-Louis David se lance dans le métier à Paris au début des années 1950, à l’âge d’or des coiffeurs « artistes » chez lesquels se presse une clientèle huppée.

Le salon Gabriel-Garland où il est employé appartient au propriétaire de la revue de cinéma Cinémonde. Une occasion en or pour se faire un nom auprès des vedettes du grand écran.

À 20 ans, première consécration : il coiffe l’actrice hollywoodienne blonde platine Kim Novak, future héroïne du film Sueurs froides (Vertigo) d’Alfred Hitchcock.

Le jeune ambitieux ouvre un premier salon à son nom en 1961 à Paris, dans la luxueuse avenue Wagram. Il enchaîne par la suite les commandes pour de grandes revues de mode et assiste des photographes de renom, comme Helmut Newton, Richard Avedon ou Herb Ritts.

« Précurseur » 

Mais Jean-Louis David se voit plutôt comme un artisan, pas comme un artiste. Et il va bientôt bouleverser la base de son métier.

Son concept : des coiffures légères et élégantes, mais rapides et faciles à reproduire par des équipes formées par ses soins, puis à distance à l’aide de manuels vidéo dès la fin des années 1970.

« J’allais dans le sens du marché : les femmes, qui entraient en force dans la vie professionnelle (…) étaient lasses » d’une coiffure « trop bien léchée, qui les rendaient dépendantes du talent, mais aussi des horaires » de leur coiffeur attitré, se remémorait l’intéressé en 1983.

« Il a imposé des coiffures structurées et naturelles, faciles à refaire, des volumes qu’on ébouriffe et qui se remettent en place. On est passé de la mise en plis-crêpage à la coupe-brushing. C’était précurseur », saluait en 2011 Franck Provost, autre célèbre coiffeur-entrepreneur français de 12 ans son cadet.

Jean-Louis David était « un homme visionnaire, avant-gardiste, créateur et businessman hors normes qui a marqué la coiffure », a réagi Franck Provost mercredi soir.

Jean-Louis David est notamment considéré comme le père du dégradé, une coupe à plusieurs longueurs de cheveux qu’il invente en 1970. On lui doit aussi la « résille », une décoloration légère partant de la racine jusqu’aux pointes des cheveux.

Inspiration américaine 

Alors que l’extension de ses affaires plafonne en Europe, il quitte la France en 1974 pour s’installer aux États-Unis. Il y ouvre plusieurs salons et devient consultant de la grande chaîne de coiffure américaine Glemby.

C’est là qu’il découvre la puissance du système anglo-saxon de la franchise, qu’il appliquera pour développer son propre réseau de salons.

En 1976, le groupe Jean-Louis David est créé, et s’étendra par la suite aux produits capillaires, pour les professionnels et la grande distribution, en partenariat avec L’Oréal.

L’empire atteint son zénith dans les années 1980, avec plus d’un millier de salons franchisés dans le monde, essentiellement en Europe. Mais la marque reste sous la coupe de son fondateur, volontiers autoritaire et qui de son propre aveu « n’aime pas travailler en groupe ».

Jean-Louis David dessine lui-même ses salons, au décor épuré et immaculé, réalise les photos des catalogues et les vidéos de formation pour ses franchisés, supervise la publicité. Il arpente aussi le monde entier pour prodiguer ses conseils professionnels, lors de conférences-spectacles tarifées qui font salle comble.

En 1993, il cède les commandes à son fils aîné Jean-Christophe. Mais sans l’impulsion de son fondateur, la marque décline, souffrant aussi de la multiplication de chaînes de coiffure concurrentes.

En 2002, l’enseigne est rachetée par le numéro un mondial des salons de coiffure, l’américain Regis Corporation. Lequel l’a revendue en 2007 au numéro deux du secteur, Provalliance, le groupe de son émule Franck Provost.

Marié à quatre reprises, Jean-Louis David était père de quatre enfants.

AFP