Le cinéaste polonais Andrzej Zulawski, qui a passé une grande partie de sa vie en France, est mort mercredi des suites d’un cancer à l’âge de 75 ans.
« Mon père est mort dans les premières heures de mercredi dans un hôpital en Pologne », a dit son fils Xawery Zulawski. « Il avait des projets mais le choix a été fait. C’était la mort. Il ne s’est pas battu, ne voulait pas se battre. Il a considéré que c’était écrit pour lui ».
Réalisateur, scénariste, écrivain, Zulawski laisse derrière lui une quinzaine de films marquants dont « L’important c’est d’aimer » avec Romy Schneider et Jacques Dutronc, « L’amour braque », selon « l’Idiot » de Dostoïevski, ou encore « La Troisième partie de la nuit » avec Romy Schneider et Klaus Kinski.
Il en a tourné certains avec l’actrice française Sophie Marceau, sa femme jusqu’en 2001, tels « Mes nuits sont plus belles que vos jours », « La note bleue » et « La fidélité ». D’autres (« La femme publique », « Chamanka ») apportent une forte dose d’érotisme sauvage, de nihilisme, de désespoir.
Il l’expliquait, dans une interview de 2004 à l’hebdomadaire Paris Match, par les circonstances tragiques de sa naissance: « Ma famille est entrée dans la guerre à quarante, elle en est ressortie à trois… ma petite soeur est morte de faim… Enfant, j’ai vu des choses que je n’aurais pas dû voir. »
Son dernier film, « Cosmos », adaptation d’un roman de Witold Gombrowicz, tourné en 2015, a été primé au festival du film de Locarno.
Né en 1940 à Lwow, ville polonaise avant la 2e guerre mondiale (aujourd’hui Lviv en Ukraine occidentale), il est parti enfant pour la France où son père, un diplomate, représentait la Pologne à l’Unesco. A Paris, il a fait des études de cinéma à l’Idhec, puis de sciences politiques à La Sorbonne.
Bel homme, il a joué aussi des rôles secondaires dans quelques films, et a eu une vie sentimentale très riche. Il a été marié d’abord à l’actrice polonaise Malgorzata Braunek, mère de son fils Xawery, puis a été lié à la peintre Hanna Wolska, mère de son deuxième fils Ignacy, et enfin marié à Sophie Marceau, mère de Vincent, né en 1995.
Après son retour en Pologne, il a notamment eu une relation avec la jeune actrice Weronika Rosati. Cette dernière lui a fait ensuite un procès, l’accusant de décrire leur vie intime dans un roman. Elle a obtenu gain de cause, la justice ordonnant le retrait du livre des librairies.
La mort du cinéaste a immédiatement suscité de nombreuses réactions. La ministre française de la Culture Audrey Azoulay a salué « un grand ami de la France », évoquant « l’univers à la fois éclatant et très sombre, déchiré et déchirant » du cinéaste disparu.
Il « était fasciné par l’aspect inique et mystique des relations intimes entre ses personnages. Il cherchait à filmer ses acteurs, pris dans son vertige visionnaire », a réagi pour l’actrice française Isabelle Adjani, qui a joué dans son film « Possession ».
L’ancien président du Festival de Cannes Gilles Jacob a dressé son portrait télégraphique sur Twitter: « cinéaste libre/avant garde/caméra frénétique et érotisme survitaminé/Zulawski était aussi poète/écrivain/philo. Héritier Wajda/autre révolté! »
Des hommages ont suivi aussi dans sa patrie. « C’est une grande perte pour le cinéma polonais et mondial », a déclaré Janusz Wroblewski, critique de cinéma. « Nombre de ses films entreront dans l’histoire notamment « La Troisième partie de la nuit » (1971) et « Le Diable » (1972, bloqué pendant 16 ans par la censure) », a-t-il ajouté.
« Zulawski a été un réalisateur très radical et novateur pour son époque. Il a su élaborer son propre langage, très personnel et original. Il était provocateur en brisant de nombreux mythes polonais. Et il a introduit l’érotisme dans ses films », selon Wroblewski.
Sur le plan personnel, toutefois, aux yeux du metteur en scène de sa génération Feliks Falk, Zulawski était « un scandaliste » qui « refusait tout compromis et n’était pas un gentil garçon ».
Le Quotidien / AFP