Christian Boltanski, un des principaux artistes français contemporains, est décédé à l’âge de 76 ans, a-t-on appris mercredi auprès de Bernard Blistène, ancien directeur du musée d’art moderne au centre Pompidou, qui lui avait consacré une exposition début 2020.
« Oui il est mort ce matin à l’hôpital Cochin (à Paris), où il était depuis quelques jours. Il était malade. C’était un homme pudique, il a caché les choses aussi longtemps qu’il a pu », a déclaré Bernard Blistène, confirmant une information du journal Le Monde.
Autodidacte, le plasticien et photographe, marqué dans son enfance par la Shoah, a travaillé toute sa vie sur l’absence, la disparition et l’inquiétude universelle face à la mort. Il fut le compagnon de longue date d’Annette Messager, autre artiste-plasticienne de renom.
Celui qui se considérait comme un artisan de la mémoire a « lutté contre l’oubli et la disparition » par des œuvres mêlant objets hétéroclites, vidéos, photographies et installations. « C’est une très grande perte, a déploré Bernard Blistène. Il aimait par-dessus tout cette transmission entre les êtres, par des récits, par des souvenirs. Il restera comme un des plus grands conteurs de son temps. C’était un inventeur incroyable. »
Fils d’un médecin juif converti d’origine ukrainienne et d’une Corse catholique, Christian-Liberté Boltanski naît le 6 septembre 1944. Pendant l’Occupation, sa mère atteinte de polio cache son père sous le plancher de l’appartement. Ils simulent un divorce et prétendent que le père a quitté Paris. Son neveu Christophe Boltanski raconte cette famille atypique dans La Cache, salué par le prix Femina 2015.
En 2020, le Centre Pompidou lui avait consacré une exposition, « Faire son temps », conçue comme une gigantesque œuvre unique. Avec lui, « une exposition était comme un véritable récit, comme un grand mouvement », se souvient encore Bernard Blistène, qui le côtoyait depuis une quarantaine d’années. L’évènement s’ouvrait sur un choc visuel : une vidéo d’un homme assis qui ne cesse de vomir. Vidéo qui dit l’enfermement connu par sa famille durant la guerre et les années qui suivirent, imprégnées du récit de la Shoah omniprésent.
On retiendra aussi d’autres projets iconoclastes : l’artiste avait compilé sur une île japonaise les battements de 75 000 cœurs, vendu sa vie en viager à un collectionneur en Tasmanie et tenté de parler avec les baleines de Patagonie.
AFP/LQ