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D’eau ou de glace, pause fraîcheur à Bagdad


Alors que l’été caniculaire, à peine commencé, bat des records de température dans la capitale irakienne, ses habitants choisissent chaque jour d’aller piquer une tête dans la rivière ou de profiter d’une patinoire couverte, pour se mettre au frais.

Tous les jours ou presque, Moussa Abdallah, peintre en bâtiment, vient se baigner dans le fleuve à Bagdad, petite parenthèse de fraîcheur pour oublier les délestages électriques à la maison et l’eau pratiquement bouillante qui coule de ses robinets, en plein été caniculaire. «On est jeune, on veut passer un bon moment. Où pouvons-nous aller?», demande l’ouvrier irakien de 21 ans sur les berges du Tigre, traces de peinture blanche sur les tempes et sur son tee-shirt manches longues. «À la fin de la journée, je suis en sueur et je suis éreinté, à cause du soleil», lance-t-il. «À la maison, il n’y a pas d’électricité. Si je veux me laver, l’eau est brûlante.»

Chaque été, ce sont les mêmes doléances pour une majorité écrasante des 43 millions d’Irakiens, qui doivent supporter des températures caniculaires, dépassant régulièrement les 50 °C, et un vent chaud enveloppant, tel un sèche-cheveux, persistant même la nuit. Face à des phénomènes climatiques extrêmes, même la climatisation à la maison devient un luxe. Car l’électricité publique coupe de longues heures, et les générateurs de quartiers ne sont pas toujours fiables, dans un pays pourtant riche en pétrole, mais aux infrastructures ravagées par des décennies de conflits et des politiques publiques défaillantes.

À la maison, il n’y a pas d’électricité. Si je veux me laver, l’eau est brûlante

Et tandis que Moussa Abdallah remet ses sandales, Rachid al-Rached enlève son tee-shirt pour plonger dans l’eau, où deux baigneurs sont en train de se laver les cheveux au savon. «À la maison, il fait chaud, je ne peux pas y rester de longs moments. L’électricité publique est déficiente», ajoute l’adolescent, éboueur à 17 ans. Pour échapper à la fournaise, «je me baigne tous les jours, dix minutes ou un quart d’heure».

Ailleurs sur le fleuve, une navette fluviale fait sortir de l’eau une dizaine de baigneurs. «Quand on les fait partir, ils reviennent», déplore un policier, assurant agir ainsi pour prévenir les noyades. Sur son téléphone, il exhibe le corps d’un garçon de 11 ans, retrouvé quasiment 48 heures après avoir péri dans l’eau.

Si le fleuve, malgré les dangers, offre l’avantage de la gratuité, ceux qui ont les moyens peuvent débourser un peu plus de dix dollars pour une après-midi en famille ou entre amis à l’Aqua Park de Bagdad. «Cette année, l’été est arrivé plus tôt, on a plus de visiteurs», confirme un membre de l’administration, Ali Youssef. «Les gens viennent après le travail ou l’école.»

Maitham Mahdi, fonctionnaire de 31 ans, en est à sa deuxième visite du mois. «Je pense venir beaucoup pendant l’été», ajoute le trentenaire, en maillot de bain et débardeur marron à sa sortie de la piscine couverte. Lui aussi se plaint de l’électricité à la maison. «On vient ici pour avoir un peu de fraîcheur», dit-il.

Précipitations en baisse, températures en hausse et désertification galopante : l’Irak est considéré par l’ONU comme un des cinq pays au monde les plus exposés à certains effets du changement climatique. Le pays vient de traverser quatre années de sécheresse, marquées par des pénuries d’eau et une chute drastique du débit des fleuves. Mais cet hiver a été plus clément et les responsables se sont réjouis de pluies généreuses qui, espèrent-ils, devraient soulager le pays en été.

Déjà pourtant le thermomètre grimpe, et les températures ont frôlé la semaine dernière les 50 °C à Bagdad et dans les villes du sud, comme Bassora ou Nassiriya. Avec le «climat semi-désertique» d’Irak, le pays s’attend à des «vagues de chaleur» particulièrement dans le sud, confirme le directeur des services météorologiques, Amer al-Jaberi, estimant que ces phénomènes, qui vont en s’intensifiant, sont aussi le résultat du «changement climatique».

Dans un des centres commerciaux à la climatisation ronronnante ayant fleuri ces dernières années à Bagdad, une patinoire couverte, la seule de la capitale, attire les jours de grande affluence jusqu’à 100 visiteurs, indique Sajjad Mohamed, moniteur de 25 ans. Luxe ultime : «Vingt-quatre heures sur 24, l’électricité ne s’éteint pas, il y a un système de refroidissement» pour la glace, s’enorgueillit-il.

Abbas, 26 ans, a découvert ce passe-temps en Turquie. Rentré en Irak, il le poursuit avec assiduité. «Quand on finit le travail l’après-midi, c’est soit rentrer à la maison, soit aller dans des centres commerciaux et dans d’autres endroits où il fait froid», confie-t-il.

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