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David Lodge, maître des lettres anglaises à l’humour subtil, est décédé


(photo DR)

Grande figure de la littérature britannique, David Lodge décédé à 89 ans a dépeint avec un humour « so british » les travers du milieu universitaire et les tourments des catholiques dans des romans à haute teneur autobiographique.

« Auteur de certaines des plus sublimes comédies de la littérature anglaise, David Lodge est un homme notoirement renfrogné », écrivait The Telegraph à propos de l’écrivain aux sourcils broussailleux et à l’air tour à tour pincé et malicieux, auteur du best-seller Thérapie (1995).

« On dit que les étudiants qui arrivaient à l’université de Birmingham où il a enseigné pendant des décennies étaient stupéfaits par le gouffre entre la désinvolture de ses romans et l’austère professeur qu’ils avaient devant eux », notait le journal.

L’écrivain a vu le jour quelques années avant la guerre, le 28 janvier 1935, un moment « assez favorable » pour naître pour un futur écrivain en Angleterre, disait-il, dans un style typique de son humour pince-sans-rire.

Son père, musicien dans un orchestre de danse, lui a légué « tous ses gènes artistiques » et son goût pour la comédie.

De sa mère, dépressive, il estimait tenir une anxiété chronique, autre trait dominant de son caractère.

Dans le modeste foyer catholique de Brockley, dans la banlieue sud de Londres, l’université est un « territoire inconnu ». David Lodge est un pur produit de la méritocratie de l’Angleterre des années 1950.

Interdits et ironie

Poussé par les professeurs de son collège, l’élève doué, passionné par l’œuvre d’Evelyn Waugh, entre à l’University College de Londres pour y poursuivre des études en littérature.

Il y rencontre Mary, qu’il épouse à 24 ans et avec laquelle il a trois enfants, dont le dernier est atteint de trisomie 21.

En 1960, il commence à enseigner la littérature anglaise à l’université de Birmingham, où il fera toute sa carrière.

La même année, il publie son premier roman The Picturegoers, suivi en 1962 de Ginger, you’re barmy.

Ces deux premiers essais, inédits en français, ne brillent pas encore par le sens de la comédie qui fera plus tard le succès de leur auteur.

Mais ils sont déjà caractéristiques de son écriture qui puise abondamment dans sa propre vie. Il y consacrera trois mémoires dont le dernier tome, Réussir plus ou moins est paru en 2023 en France.

Si les interdits catholiques, en particulier sexuels, tourmentent tant les héros de ses premiers livres, comme La Chute du British Museum (1965) ou Jeux de maux (1980), c’est que le jeune Lodge y a lui-même été soumis.

Pratiquants scrupuleux, l’écrivain et son épouse ne se sont résolus à recourir à la contraception qu’après la naissance de leur fils en 1966, confiera-t-il.

De même, la surdité dont il est atteint est au cœur de son roman La Vie en sourdine (2008).

Mais c’est avec sa trilogie du campus – Changement de décor, (1975), Un tout petit monde (1984) et Jeu de société (1988) – qu’il démontre l’étendue de son talent.

S’inspirant de sa propre expérience de professeur, et notamment d’un long voyage d’études aux États-Unis, il y décrit avec une ironie mordante le milieu universitaire à travers deux représentants de cette « minorité au puritanisme exacerbé », l’Anglais Phillip Swallow et l’Américain Morris Zapp.

Le premier tome lui vaut le prestigieux prix Hawthorndern, qui le consacre comme auteur, courtisé par la télévision, qui adapte certaines de ses œuvres. Dans Thérapie (1995), il croque le milieu des élites médiatiques, en particulier de la télévision.

À partir de 1987, David Lodge quitte son poste d’enseignant pour se consacrer entièrement à l’écriture, mais il reste un universitaire dans l’âme, alternant publications de romans, d’essais érudits sur l’art de la fiction et de biographies d’écrivains.

« David Lodge sera lu bien longtemps après la plupart de ses pairs pour la simple raison que, dans ses premières œuvres, il a su si parfaitement capturer ce qu’était la Grande-Bretagne », disait de lui The Guardian.

Lire par ailleurs :
[Littérature] Sobres mémoires