Difficile de parler de « The Smartphone Project », le spectacle chorégraphique conçu par Fabien Prioville et présenté par sa dance company, vendredi et samedi soir au Kinneksbond de Mamer.
Difficile car si le spectacle est chorégraphique, il ne touche finalement pas le public par sa danse. Les gestes de Fabien Prioville et de son camarade Pascal Merighi sont justes, fins et recherchés, mais en même temps minimalistes et discrets ; tellement discrets qu’on peut aisément passer à côté. Une non-danse qui peut clairement décevoir un public qui serait venu admirer la dextérité des danseurs.
Non, The Smartphone Project agrippe le spectateur par son côté conceptuel. Par ce mariage réussi entre danse et nouvelles technologies. Par son acoquinement avec le théâtre, l’impro, parfois même le stand-up. Car les deux danseurs sont accompagnés, tout au long des 60 minutes que dure le spectacle, par la comédienne Florence Minder. Elle est le liant entre les performeurs et les spectateurs, entre le public et l’application spécialement conçue pour le spectacle et qui apporte une touche d’inconnu à ce projet, entre la salle et la scène.
Car oui Fabien Prioville entraîne le spectateur dans un monde inconnu. Dans un rapport à la scène exceptionnel. Dans un show qui casse toutes les règles du théâtre. Ici le spectateur monte sur scène, intervient dans le spectacle, accompagne les interprètes dans les coulisses, propose ses chansons aux danseurs pour qu’ils puissent improviser dessus, regarde aussi bien devant que derrière lui, etc… Il doit trouver le juste milieu entre ce qui se passe autour lui dans la salle et ce que l’application lui apporte comme informations supplémentaires, décalées, étonnantes.
En d’autres termes, il doit trouver, lui, simple spectateur, le juste milieu entre le côté ludique du spectacle, entre l’aspect artistique malgré tout bien présent, entre la découverte de ce qu’il est possible de faire avec les nouvelles technologies et puis la réflexion que tout cela entraîne. Car, encore une fois, si la danse et l’aspect scénique risquent de laisser quelques spectateurs sur leur faim, The Smartphone Project vaut amplement le déplacement pour son côté avant-gardiste, pour la fascination que cette déstructuration de l’univers de la scène crée et pour la réflexion qu’il propose sur la toute-puissance du technologique qui prend de plus en plus le dessus face à l’humain et aux relations sociales. Un spectacle qui mériterait peut-être une sorte de « débriefing » officiel, après la représentation, autour d’un verre, histoire de faire taire les portables, de recréer le lien social et puis de ne pas laisser le spectateur trop seul face à ses incertitudes et ses doutes.
Quoi qu’il en soit, après son spectacle d’ouverture de la saison, Désordres de la troupe 3e Étage, le Kinneksbond proposait, là, un nouveau spectacle chorégraphique innovant, surprenant et déstabilisant. Bravo à lui pour cette prise de risque. En ce qui nous concerne on a attend désormais avec impatience le 22 novembre prochain, et la venue de la troupe de Robyn Orlin !
Pablo Chimienti
on ne pouvait pas mieux résumer, très bon article et en effet, spectacle innovant! 🙂