Le 6 juin, l’Europe célébrera le «Beethoven Tag», en direct sur ARTE. À Luxembourg, la 4e Symphonie, jouée par l’OPL, sera accompagnée d’une chorégraphie hip-hop signée Sylvia Camarda, qui promet d’apporter «beaucoup de joie».
Le 6 juin, l’Europe célébrera le «Beethoven Tag» sur ARTE : depuis neuf pays, la chaîne franco-allemande retransmettra en direct, à partir de 13 h, l’exécution des neuf symphonies du dernier grand maître du classicisme viennois. Un voyage musical et géographique qui commencera à Bonn, ville qui a vu naître Ludwig van Beethoven en 1770, et qui se terminera en grande pompe à Vienne, où il est mort en 1827, à 56 ans. À Luxembourg, on accueille aussi le grand «Ludwig van» et sa sautillante 4e Symphonie, qui sera interprétée par l’Orchestre philharmonique du Luxembourg (OPL) et accompagnée d’une chorégraphie créée par Sylvia Camarda. Le tout en plein air et en direct à 16 h, pour un dispositif technique énorme autour de la Philharmonie, réalisé par Stefan Mathieu et produit par la toute jeune société Manufactura Pictures de Yann Tonnar.
Pour ce projet qu’elle a souhaité différent, la chorégraphe luxembourgeoise s’est associée à la Fondation EME, qui lutte contre l’inégalité et les injustices sociales, et en faveur de l’accès à la culture pour les enfants handicapés, les personnes âgées, ou encore les réfugiés. «J’ai avec moi huit danseurs pleins d’enthousiasme qui connaissent davantage le foot que la danse», dit-elle. Ces danseurs, ce sont huit jeunes réfugiés, lycéens à Luxembourg, qui répètent avec elle depuis mi-mars. «C’est assez tard : on avait prévu de commencer début février, mais à cause du Covid, les écoles étaient fermées à toute activité physique.» Mais depuis, le travail se fait de plus en plus intense. Entre deux répétitions, Sylvia Camarda décroche son téléphone pour raconter l’aventure Beethoven, son travail avec les adolescents et l’importance de proposer une lecture différente de Beethoven aujourd’hui.
Comment la chaîne vous a-t-elle proposé le projet?
Sylvia Camarda : Depuis trois ans, je présente Move!, une émission de danse sur ARTE, alors je connais bien les gens qui travaillent dans la chaîne. Malheureusement, avec des théâtres fermés et des compagnies de danse qui n’étaient pas forcément en création, nous n’avons pas pu faire une nouvelle saison l’année dernière. Le directeur allemand d’ARTE, Wolfgang Bergmann, m’a demandé si j’avais un projet qui pourrait être associé au projet Beethoven; moi, je venais de conclure avec la Fondation EME la réalisation d’un projet avec les jeunes du lycée technique du Centre – Annexe Kirchberg. J’ai donc proposé à la fondation de faire la 4e Symphonie de Beethoven avec ces jeunes.
Ce sont deux projets qui n’étaient pas destinés à être ensemble…
Oui, ce n’était vraiment pas prévu! En plus de cela, comme la Fondation EME a ses quartiers dans la Philharmonie, j’ai osé demander à l’orchestre s’il voulait lui aussi participer et jouer la symphonie. Les orchestres de toutes les autres villes jouent, c’était normal que la Philharmonie y prenne part aussi. Ce projet avec ARTE et ZDF est énorme! Faire partie de neuf pays différents qui jouent, l’un après l’autre, les neuf symphonies de Beethoven, dans des lieux idylliques, c’est un truc génial. Vouloir relier l’Europe à travers un langage universel, c’est un projet magnifique, qui est encore plus pertinent après une année où tout était vide.
En collaborant avec la Fondation EME, et en choisissant de faire danser des jeunes réfugiés, votre projet a une dimension sociale. Comment avez-vous lié cela à Beethoven?
C’est une question que je me suis posée. La 4e Symphonie est joyeuse et passionnante. Beethoven l’a écrite dans une période de sa vie où tout allait bien, et il y va à fond la caisse! Alors comment l’interpréter? J’ai été surprise de voir que les jeunes ont très vite apprécié la musique. Pour moi, la réponse était claire : la clef, c’était la passion, l’envie de danser, la joie que l’on peut lire dans les yeux de chacun. Ce ne sont pas tous des danseurs, certains n’avaient jamais pris de cours de danse, mais aujourd’hui, je suis très fière de voir qu’ils ont progressé. La musique peut parfois être très rapide, mais eux se lancent complètement dedans. C’est beau, et c’est ce que j’ai envie de transmettre. Il faut faire avec ce qu’on a, et cette joie de s’exprimer avec son corps, ils l’ont vite comprise. Maintenant, ils commencent à s’ouvrir comme des fleurs (elle rit)!
Y a-t-il eu une appréhension de la part de vos jeunes danseurs, quand ils ont su qu’ils allaient danser sur Beethoven?
Je leur ai proposé le projet au mois de février, mais lorsque l’on s’est revus à la mi-mars, dans la salle de répétitions de la Philharmonie, je ne savais pas qui j’avais devant moi. Il fallait que je les rencontre. J’ai alors pris deux semaines pour explorer avec eux beaucoup de choses : du hip-hop, du breakdance, du porté… Bref, des choses assez spectaculaires à leurs yeux mais qui sont simples à faire. Le but, c’est qu’ils comprennent le mouvement de danse, comment utiliser son corps pour faire des choses très belles. Après deux semaines où l’on a joué et improvisé, j’ai pu créer les mouvements.
Le breakdance attire beaucoup les jeunes. On l’a testé, et ils se sont rendu compte que sur Beethoven aussi, on peut faire du hip-hop! Souvent, les jeunes sont terrorisés par la musique classique, ils ne savent pas quoi en faire. Mais le hip-hop, les arts martiaux ou la capoeira, je les ai aussi pratiqués : c’est avec des petites choses comme ça qu’on peut les attirer, puis ensuite leur ouvrir l’esprit et aller encore plus loin. On est dix jours avant la grande première, et je les vois se transformer. Donc même un Beethoven, qui fait peur au début, peut devenir soudainement un allié.
Le Luxembourg va profiter d’une grosse exposition culturelle et médiatique en Europe, le 6 juin. Cette volonté de porter un projet qui ne ressemblera à aucun autre, c’est ce que doit être la spécificité culturelle luxembourgeoise, selon vous?
Dans ma vie artistique et dans ma carrière de danseuse, j’ai remarqué que les artistes luxembourgeois se mettent souvent en retrait, avec pour prétexte que l’on est un petit pays et que ça ne sert à rien de pousser les choses plus loin. Si c’est ça, notre mentalité, O.-K.! Moi, je pense qu’il faut trouver autre chose, revendiquer notre différence. On est entourés de la Belgique, de la France et de l’Allemagne : trois pays qui sont des pointures en danse, avec des compagnies énormes. Le Luxembourg, c’est toujours la même chose : « ils sont riches », « la place financière de l’Europe »… Mais non, on a aussi quelque chose à dire, et malgré notre petitesse, on a des choses magnifiques à offrir et à montrer. Quand Wolfgang Bergmann nous a proposé le projet, il a mentionné qu’il aurait aimé que ça se fasse dehors. J’ai pensé en premier à la Kinnekswiss, mais ce n’est même pas le plus bel endroit de la ville! Ce que je montre en premier, lorsque j’ai des amis étrangers qui viennent ici pour la première fois, c’est la forteresse et sa vue magnifique. C’est assez osé de proposer de faire un live sur tout ce chemin, mais il faut oser proposer des choses qui n’ont jamais été faites, qui sont autre chose que ce que l’on a l’habitude de voir.
L’invité-surprise qui s’est installé depuis quelques jours, c’est la pluie. Le projet étant dans sa phase finale et bien rodé, que peut-on vous souhaiter de plus que le beau temps?
En ce moment avec la pluie, c’est catastrophique. L’idéal serait que l’on puisse répéter tous les jours dehors, mais je me dis : « Tu ne peux pas faire ça aux jeunes! » (elle rit). Ce que je souhaite surtout, c’est que l’on arrive dans la sérénité. Malgré le trac, qu’on puisse se lâcher et montrer cette joie qui est ressortie de toutes nos répétitions. On peut se tromper, mais si on fait une faute, on la fait avec du style. L’important est de prendre du plaisir et se lâcher. Il est primordial, quand ce projet sera terminé, que les jeunes puissent garder leur propre danse avec eux, la confiance de savoir danser, et qu’ils aient réussi à sortir leur personnalité de leur corps. C’est un moment pour lequel chaque cellule de notre corps devra être là, à 1 000 %. On ne fera ça qu’une fois, il faudra le savourer.
Valentin Maniglia
«Beethoven Tag»,
le 6 juin, sur ARTE, à partir de 13 h.
Les artistes luxembourgeois se mettent souvent en retrait, avec pour prétexte que l’on est un petit pays (…) Si c’est ça, notre mentalité, O.-K.! Moi, je pense qu’il faut trouver autre chose
Un anniversaire retardé
L’année 2020 était celle du 250e anniversaire de la naissance de Beethoven. La pandémie en ayant décidé autrement, les nombreux évènements prévus pour célébrer cet anniversaire ont été annulés ou reportés pour le 251e anniversaire du compositeur. Malte Boecker, directeur de la Beethoven-Haus, à Bonn, s’en amuse aujourd’hui : «Beethoven était un maître des surprises du point de vue musical, donc ça correspond bien à sa personnalité.» ARTE, pour sa part, a commencé à imaginer sa grande fête «il y a trois ans, très différemment», reconnaît son directeur, Wolfgang Bergmann. Alors le dispositif a été revu et, avec un peu plus de visibilité sur l’avenir de la culture en Europe, Wolfgang Bergmann souligne qu’il est désormais le moment «de sortir du confort de notre salon et entrer dans la vraie vie». Neuf concerts en plein air (devant un public, pour les plus chanceux), neuf grandes villes européennes, neuf heures de programmes en direct : «C’est un cadeau qui arrive à point nommé, à un moment où l’on a soif de culture», souligne Malte Boecker. «Cette musique résonne dans un moment où les valeurs citoyennes et révolutionnaires sont importantes. Beethoven a plus que jamais quelque chose à dire.»
V. M.
Bonjour,
Permettez-moi de féliciter Madame S. Camarda pour sa formidable prestation avec les jeunes à l’occasion du
«Beethoven Tag», en direct sur ARTE !
C’est de cette manière que le jeunes comprendront la force et de la musique et de l’expression corporelle par la danse et la joie que cela procure à tous et à toutes !
J’espère que ce message parviendra à Madame Camarda, malgré le retard de mon commentaire…
bg
Romain Engels