Le duo Sandy Flinto-Pierrick Grobéty présente, samedi (20h) à la Kulturfabrik, sa nouvelle création, « Vanitas. Live fast, never digest ». Une réflexion sur la vie et la mort.
La vie, et son corollaire la mort, sont les thèmes de débats éternels. Une source d’inspiration sans fin pour artistes et créateurs. Le duo Sandy Flinto-Pierrick Grobéty a plongé lui aussi dans la thématique pour sa nouvelle création, Vanitas. Live fast, never digest.
«Le projet naît d’une fascination par rapport à ces tableaux, les Vanitas, explique Sandy Flinto. On s’est donc posé la question sur comment on pourrait retranscrire l’essence et le fonctionnement de ces tableaux dans un langage artistique contemporain.» Dans ce genre particulièrement vivant en Flandres et en France tout au long du XVIIe siècle, on trouve des objets qui faisaient référence au temps, des objets souvent fragiles et éphémères qui invitaient donc à méditer sur le temps, la vie, la mort, etc.
Si le genre est passé de mode, ses questionnements sont toujours d’actualité. Normal : «La mort touche 100% de la population», diront les artistes pendant la présentation de leur travail. Et cette mortalité, et la conscience de cette mortalité, «implique un choix de vie», reprend Sandy Flinto.
Voilà un an qu’avec son binôme Pierrick Grobéty, elle travaille sur le projet. «Nous nous sommes demandé quels symboles pourrait-on utiliser aujourd’hui pour une telle représentation et dans quels contextes s’inscriraient-ils ? Nous avons donc commencé par observer notre société contemporaine, marquée par la consommation, le culte de la performance, du corps… Nous avons analysé alors notre relation par rapport au temps et au corps et nous nous sommes interrogés sur notre relation à la vie et à la mort.»
Lutter contre le temps
Le tout, sans trop savoir où celui-ci allait les mener. «Nous sommes un duo d’artistes pluridisciplinaires, nous faisons du spectacle vivant, mais aussi des installations, des vidéos, etc. Ce n’était pas du tout certain que ça allait devenir une pièce», expliquent-ils. Et d’ajouter : «Mais comme on parle de la vie, on voulait mettre beaucoup de vie dans ce projet et donc sur scène.»
Ainsi, sur la scène de la Kulturfabrik, où les deux sont artistes associés jusqu’en 2021 : un danseur, mais aussi un acteur, un tatoueur avec son client, un coureur, deux chanteurs lyriques, une violoncelliste… et même une machine médico-musicale qui forment, tous ensemble, un énorme tableau vivant autour d’un personnage quadragénaire, interprété par le danseur, Stefano Spinelli, qui, alors qu’il est en train de faire la fête, d’un coup prend conscience d’être mortel. Une révélation qui l’amènera, dans un face-à-face contre la mort, à essayer de lutter contre le temps et les effets collatéraux de la vie.
Écrite à six mains avec le dramaturge Daniel Marinangeli, Vanitas. Live fast, never digest «invite le spectateur à méditer sur la vie et la mort, sur les différents choix de vie possibles. La pièce questionne sur la société contemporaine où l’on vit de manière de plus en plus accélérée et où il est donc de plus en plus difficile de méditer sur la vie, sur les choix possibles. Nous parlons de science, de médecine, de technologie, de transhumanisme…», glissent les artistes.
Comme les thèmes touchés par la pièce dépassent totalement les connaissance humaines, les deux créateurs ont fait le choix, dans le processus créatif, de travailler «une forme qu’on n’avait pas dans notre répertoire», comme le précise Pierrick Grobéty : l’absurde.
Hymne à la vie
Un style surtout présent au niveau de la danse, même si les différentes disciplines vont s’entrechoquer et s’enrichir mutuellement tout au long du spectacle. Car le duo n’empile pas les différents arts, les différents éléments à la légère. «Chaque média est utilisé pour son aspect dramaturgique, par rapport à ce qu’il est capable de raconter, de ce qu’il raconte et de comment il le raconte», indique Pierrick Grobéty.
Ainsi, le danseur, en tant que protagoniste, va traverser une multitude d’états, oscillant entre solitude, désespoir, inquiétude, révolte et euphorie impuissante. L’acteur, Denis Jousselin, aux rôles multiples, incarnera la société contemporaine qui observe et commente le monde, le coureur, qui sera différent à chaque représentation, représentera la performance sportive, le dépassement de soi et quelque part aussi le culte d’un corps parfait. Un corps qu’un client se fera tatouer sur scène, par le tatoueur eschois Vince; tandis que la machine médico-musicale rythmera cet ensemble très vivant alors que le duo lyrique et le violoncelle, Arthur et Valérie Stammet, rappellera la mort à travers une composition inspirée de requiem. Des vidéos viendront compléter l’ensemble.
Un ensemble étonnant, pour un sujet on ne peut plus sérieux et profond, mais que les auteurs ont décidé de traiter avec décalage et une bonne dose d’humour. Un hymne à la vie en somme, qui ne prend tout son sens, que grâce à la mort !
Pablo Chimienti