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Dans une école de Mossoul, les classes débordent d’écolières et de sourires


(AFP PHOTO / SAFIN HAMED)

D’un coup de sifflet, la surveillante en abaya noir et hijab blanc met fin à la récréation. Sans interrompre leurs souriantes conversations, les adolescentes de l’école secondaire Trablous de Mossoul regagnent les salles où elles s’entassent à 90 par classe.

L’établissement, situé dans le quartier Mossoul al-Jadida, est la première école de filles à avoir rouvert à Mossoul-Ouest, dès la fin mai. D’autres ont rouvert depuis mais les classes ne se sont pas vidées.

« Du temps de Daech (acronyme arabe de l’organisation Etat islamique ou EI, ndlr), il y avait 27 élèves. Aujourd’hui, on en compte 650 », explique Nihad Jassem, une responsable administrative de l’école.

Le portail métallique criblé d’éclats d’obus a été rafistolé avec des draps et des couvertures, les vitres brisées laissent entrer la chaleur, les murs sont fissurés, l’eau et l’électricité ne sont arrivées que mercredi, les professeurs ne sont pas payés, les livres manquent… « Mais nous sommes heureuses », assure Nihad Jassem.

« Après trois ans (de règne de l’EI), nous voulions nous développer à nouveau, redevenir civilisées. Ces filles ont une nouvelle chance, leur avenir était sur le point d’être détruit pour toujours », sourit-elle.

A la pause, les adolescentes –âgées de 13 à 15 ans– bavardent, pouffent dans les couloirs, révisent leurs cours ou plaisantent dans les rares coins ombragés de la petite cour. Toutes portent le hijab, parfois agrémenté d’une broche ou d’un noeud. Certaines sont maquillées, d’autres –très rares– portent le niqab. « Ici, on accueille tout le monde », explique Nihad Jassem. « On a une mission. Je veux qu’elles réussissent », affirme Imane Youcef, « 26 ans d’enseignement et dix dans cette école ».

Sous l’EI, qui avait pris la ville en juin 2014, les enseignants étaient sommés de venir sous peine d’être arrêtés par la police religieuse. « Beaucoup ont fui mais ceux qui n’avaient nulle part où aller étaient forcés de venir », raconte-t-elle. Les cours de biologie, d’histoire, de géographie, de sciences étaient supprimés. Seuls la religion islamique, l’arabe et l’anglais était enseignés.

Rattraper le temps perdu

Cette page est aujourd’hui tournée. « On n’en parle pas. C’est comme une plaie, elle n’est pas encore cicatrisée alors on ne la touche pas », explique Chada Chammaa, une professeure chargée de la formation des maîtres venue en volontaire enseigner l’arabe aux adolescentes. « Et puis, on ne s’est pas totalement débarrassé de l’EI. Peut-être que certaines filles ont des membres de l’EI dans leurs familles. »

Derrière les sourires, les peurs et les blessures affleurent. « On est toutes heureuses, mais notre bonheur n’est pas complet parce qu’on a toutes perdu quelqu’un. J’ai une amie qui a été tuée avec sa famille il y a quelques jours dans la vieille ville », glisse Simaa Faris, 15 ans. « L’autre jour, il paraît que quelqu’un voulait faire une attaque suicide contre une école mais il a été arrêté avant. Il faudrait que le gouvernement envoie des soldats pour nous protéger », ajoute sa camarade Nour Kheiri.

Pour ces élèves qui rêvent de devenir « professeur », « avocate, « journaliste » ou « archéologue », comme pour leurs professeurs, la priorité est de rattraper le temps perdu.

Le gouvernement irakien ne reconnaît pas l’enseignement prodigué sous l’EI, elles ont donc repris l’école au niveau où elles étaient en 2014. Et les écoles de Mossoul-Ouest ont rouvert bien plus tard que celles de Mossoul-Est, libéré mi-janvier, alors elles étudient durant l’été, normalement période de vacances.

« Il ne nous reste que 40 jours avant les examens, on n’a pas fait la moitié du livre », peste la jeune Chams Maher. « On est nombreuses, la chaleur est insupportable mais on s’en fiche. Ce qu’on veut, c’est des livres », renchérit Nour Kheiri. Elle sourit, ironique: « Ma matière préférée, c’est la chimie parce que c’est la seule où le livre est disponible ».

AFP