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Dans l’est rebelle de l’Ukraine, l’amour en suspens (Vidéo)


Ils voulaient sceller leur amour, puis la guerre est arrivée à Donetsk. Alors, comme beaucoup d’amoureux dans l’est de l’Ukraine, Alla et son fiancé Maxime ont mis leur mariage entre parenthèses dans l’attente de jours meilleurs, qui tardent à venir.

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Ioulia et Dmitri n’ont pas attendu la fin du conflit pour franchir le pas et convoler en justes noces. (Photos : screenshots)

Quand Maxime, son petit ami depuis deux ans, l’a demandée en mariage, Alla, 25 ans, voyait un rêve se réaliser : une belle cérémonie, sa famille et ses amis réunis, une jolie robe blanche… Le grand jour était prévu pour l’automne. Mais au printemps, la guerre a fait irruption. L’automne est passé, 2014 est devenu 2015 et le jeune couple est toujours dans l’attente. « A l’heure actuelle, on ne peut pas faire de projet pour l’avenir, on ne sait pas de quoi demain sera fait », explique Alla Syrovatskaïa, la petite employée de magasin.

Dans la capitale du Donbass, la vie s’apparente à de la survie. Les salaires, quand ils sont versés, sont maigres et l’avenir même de la République Populaire de Donetsk (DNR), qui a proclamé unilatéralement son indépendance de l’Ukraine en avril et n’est reconnue par aucun pays, est très incertain. Kiev a fermé toutes ses administrations dans la république séparatiste, et les amoureux de l’Est se retrouvent devant un autre dilemme : « On ne sait même pas si notre mariage serait valide ou non. On n’a aucune certitude alors on a reporté notre mariage jusqu’à ce qu’on sache », souligne Maxime Kondakov, ouvrier dans la métallurgie. Dans les bureaux de l’état civil, personne ne peut leur répondre. Théoriquement, la DNR devait délivrer ses propres certificats de mariage à partir du début d’année mais, en l’absence d’une nouvelle législation, les employés continuent d’utiliser des formulaires de l’ancienne administration ukrainienne.

> Une vie gelée

Sauf que « depuis le 1er décembre, tous les documents délivrés dans la DNR ont été déclarés illégitimes. L’Ukraine nous bloque », affirme la directrice par interim de l’état civil local, Tatiana Allakhverdieva. Des femmes qui avaient traversé les nombreux check-points jusqu’en territoire ukrainien pour faire inscrire leur nom de femme mariée sur leur passeport se sont ainsi vu refuser le droit de le faire, raconte-t-elle.

Certificats de mariage, mais aussi certificats de naissance, de décès ou de divorce… Toute la vie à Donetsk est suspendue. Officiellement, les enfants nés dans la DNR « n’existent pas » pour l’Ukraine, affirme Mme Allakhverdieva. « La vie de nos habitants est gelée ». Dans le seul quartier Vorochilovsky, le nombre de mariages a ainsi chuté de moitié l’an dernier. Lassés de cette interminable attente, certains ont décidé de braver ce flou juridique. Ioulia et Dmitri repoussaient leur mariage depuis l’été après avoir fui la guerre. Le répit relatif dans les combats depuis un mois et le ventre de plus en plus rond de Ioulia les a finalement convaincus de franchir le pas. « On voulait se marier, avoir des enfants, construire une famille. On s’est dit que la guerre ne devait pas nous empêcher de vivre », explique Dmitri, un employé du chemin de fer de 23 ans qui peine à cacher sa nervosité dans son costume de marié. Mais à peine sortis de l’état civil, alors qu’ils rejoignent au son d’une marche nuptiale la Mercedes qu’ils ont louée pour l’occasion, les tout nouveaux M. et Mme Kolobov sont rattrapés par le doute : quel certificat de mariage viennent-ils de recevoir ? « Ukrainien », assure Ioulia. « Non, DNR », rétorque Dmitri. « Ok, il faudra vérifier. Là on n’a pas le temps ».

AFP