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Dans le métro parisien, on connaît la chanson


Zaz, Claudio Capéo ou encore le groupe Arcadian ont fait leurs gammes face au public du métro parisien. (Photo : afp)

Depuis 25 ans et la création d’un label, chanteurs et musiciens se produisent dans le métro parisien, au milieu des voyageurs au pas de course. Certains sont devenus des stars.

Zaz, Claudio Capéo ou encore le groupe Arcadian ont fait leurs gammes face au public du métro parisien, après avoir décroché l’un des 300 sésames délivrés tous les six mois, lors d’auditions organisées par la régie des transports urbains parisiens (RATP). Environ un millier d’artistes, du professionnel à l’amateur, s’inscrivent en quête du label «Musiciens du métro», mis en place en 1997 afin de gérer le flux permanent de chanteurs et d’interprètes en tout genre, explique Stella Sainson, responsable du label.

«On ne se refuse rien, même s’il y a des instruments difficiles, comme le djembé, qui résonne fort», souligne-t-elle lors de la dernière session d’auditions, où elle est soutenue par un jury de trois membres… tous employés de la RATP.

« C’est important de savoir capturer l’attention des voyageurs »

Vêtu de son complet gris foncé – mais sans la veste –, Arnaud Moyencourt s’installe avec son orgue de Barbarie portatif. Le posant sur un monopied, il tourne la manivelle, faisant dérouler le carton perforé, en chantant du Boby Lapointe, l’un des 400 titres dont il dispose. L’homme à la moustache dense vient pour un renouvellement. Sa toute première fois dans le métro, c’était en 1992. Depuis, il se produit régulièrement à la station Denfert-Rochereau, dans le 14e arrondissement. «C’est un personnage ! Il incarne le Paris d’antan. Moi, je m’arrêterais», s’enthousiasme une jurée, Sofia Tondinelli. «Il faut vraiment imaginer : « Est-ce que cette personne, sa voix, son charisme vont être appréciés par le public? » C’est très beau de pouvoir jouer dans le métro, mais aussi parfois compliqué parce que les gens passent, pris par leurs pensées. C’est important de savoir capturer l’attention des voyageurs.»

«Rencontres dingues»

Camille Millian, longue natte blonde et robe bleue, a saisi le jury en interprétant une chanson de Whitney Houston pour un renouvellement. «J’ai fait des rencontres dingues, c’est l’une de mes meilleures scènes. La musique, c’est un échange avant tout», argue la chanteuse originaire du Jura, qui travaille en parallèle sur la création de son album. Tout aussi à l’aise, Riana Rabe enchaîne de sa voix suave un titre du film d’animation Mulan, puis un autre de Radiohead, en s’accompagnant avec un ukulélé rose électroacoustique pour sa deuxième audition.

«En principe, j’ai un peu peur des gens, mais j’ai découvert qu’ils étaient extrêmement gentils, alors qu’ils ne sont pas là pour m’écouter. Certains m’ont même dit qu’ils avaient passé une mauvaise journée et qu’après m’avoir écoutée, ça allait mieux. C’est incroyable!», raconte la timide jeune femme, qui a gardé contact avec certains voyageurs du métro.

Ce défi pour certains artistes ne doit cependant pas devenir une expérience traumatisante. «La pauvre, elle n’est pas prête!», lancent Stella Sainson et sa bande après la performance à l’ukulélé d’une jeune fille particulièrement discrète et plutôt novice sur l’instrument. Le jury n’a pas non plus retenu une violoniste chinoise de 28 ans, trop effacée derrière ses larges lunettes et son allure d’écolière.

Eli Jadelot, chanteuse en robe de mariée

Mais Eli Jadelot, qui chante ses propres textes – des histoires de vie quotidienne racontées drôlement – vêtue d’une robe de mariée, a obtenu son sésame pour sa toute première audition. «J’ai des dettes, dettes, dettes par-dessus la tête!», chante-t-elle un jour d’hiver dans les couloirs de la station Saint-Lazare, autour de voyageurs qui entonnent son refrain à cœur joie. Guitare à la main, sans micro, la Lorraine de 39 ans parle du mariage, du travail, des choses de la vie dans des textes engagés et amusants.

Comédienne et artiste de rue près du Sacré-Cœur, elle a passé fin septembre les auditions des «Musiciens du métro». Arrivée à Paris il y a seize ans, elle ne rêvait que de théâtre. Elle a écrit et mis en scène l’une de ses pièces et s’est immergée dans de multiples univers. Titulaire d’un master d’histoire, elle a été monitrice pour aveugles, a donné des cours d’alphabétisation en prison, travaillé pour une radio s’occupant de prisonniers politiques corses, joué la «happiness manager» dans une société…

Puis, en 2018, sans argent, elle embarque la robe de mariage d’une amie – «une robe de divorcée!», insiste-t-elle – et s’aventure en autostop sur les routes de France pour chanter de place en place. «Ça m’a donné une énorme confiance. Il y a des moments où tu es désespérée, seule au milieu de la route : « Personne ne viendra me chercher! » Et il y a toujours quelqu’un qui vient.» Sa nouvelle expérience, le métro, «c’est difficile, c’est un tube en fait, les gens passent», souligne l’artiste, qui ne fait pas ça pour l’argent. «C’est juste toi avec les gens. Je ne suis pas une chanteuse hors pair, mais mes textes sont bons, je crée du lien.»