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[Critique] Z comme Hazanavicius


Derrière ses allures potaches, Coupez! est un faux making of catastrophe qui célèbre la joie collective de faire du cinéma.

Spécialiste du pastiche, Michel Hazanavicius s’amuse du genre «zombie» pour raconter, dans un rire, les coulisses du cinéma et ceux qui le fabriquent. Une excellente comédie, à condition de se montrer patient.

On aurait aimé être là au festival de Cannes et voir la tête du gratin qui découvrait les premières minutes du film d’ouverture, Coupez!. Car la nouvelle comédie de Michel Hazanavicius est un véritable ovni, en tout cas en apparence, et la première demi-heure peut, c’est un risque, laisser le public sur le carreau.

«C’est difficile de faire un film qui doit être perçu comme raté, et que cela reste un spectacle divertissant», reconnaît dans le dossier de presse le réalisateur oscarisé pour The Artist, apprécié pour sa série OSS 117 et loué pour son Grand Détournement. Alors oui, il faut faire preuve de patience, car il y a des chances, poursuit-il, que «le spectateur commence par se demander ce qu’il est en train de regarder».

Il y a quand même une évidence : on est là dans la série Z qui, c’est connu, est toujours matière à amusement. Remake d’un film japonais sur le tournage catastrophe où les zombies tiennent les premiers rôles (One Cut of the Dead, 2017), Coupez ! n’est pourtant pas à voir comme un hommage au genre, mais plutôt sur ce que c’est de faire un film, particulièrement avec des moyens limités et des galères en pagaille.

«On ne peut pas dire que ce soit Dernier Train pour Busan!», se marre Michel Hazanavicius. Cette parodie sanguinolente – parce que le gore, «c’est hyper ludique» – est donc une ode au cinéma, celui, toutefois, qui se construit avec passion et avec des bouts de ficelle.

Des films déjà vus comme Ed Wood (sur le réalisateur fantasque) ou The Disaster (remake de The Room, considéré comme le plus grand «nanar» de tous les temps) témoignent bien de l’idée et de ce jusqu’au-boutisme dans le geste créatif. «J’adore l’idée qu’un réalisateur fasse des films quoi qu’il arrive, qu’il ait des moyens ou non. Que ce qui lui importe soit de faire, de fabriquer. Je trouve cette approche courageuse et belle».

Même un mauvais film, c’est dur à faire !

Coupez! prend donc les airs d’un film bricolé, «fait avec plus d’énergie que d’argent». Et si égard il y a, c’est au «cinéma en train de se faire» et ses représentants, «les acteurs, les réalisateurs, mais aussi les techniciens, les stagiaires… tout le monde!».

Michel Hazanavicius, derrière les blagues et l’hémoglobine, parle alors de l’importance du collectif et voit le plateau de tournage comme «une sorte de microsociété un peu exacerbée où les caractères se révèlent souvent de manière spectaculaire».

Ceux qui habitent son film en sont une illustration convaincante, entre Romain Duris en cinéaste sur ressort obsédé par la réussite de son plan-séquence à Bérénice Bejo, trop habitée par son rôle en passant par Finnegan Oldfield, acteur montant «tête à claques».

Sans oublier toute une brochette de seconds couteaux savoureux (Grégory Gadebois, Matilda Lutz, Jean-Pascal Zadi…). Ensemble, «ils se confrontent à leurs problèmes (…) et arrivent à aller au bout». Selon lui, c’est bien là l’essentiel car «même un mauvais film, c’est dur à faire».

On ne saura pas pour le sien, mais celui-ci prend en tout cas une forme étonnante, singulière : d’abord film de zombies de «sous-catégorie», il va progressivement passer au détournement, puis à une sorte à un faux making of, avant un final explosif.

«C’est une mise en abyme constante!», lâche le réalisateur. Soit un film dans le film qui raconte lui-même… un tournage de film, des acteurs qui jouent des acteurs, des scènes identiques vues sous plusieurs angles… «Même nous, on était parfois perdus!». Mais Coupez!, malgré son découpage façon puzzle, reste pertinent et le résultat est certes déroutant, mais désopilant.

«C’est une comédie peut-être spéciale, mais c’est une bonne grosse comédie!». Après, que l’on apprécie ou non, comme le rappelle Michel Hazanavicius, «l’aventure humaine est parfois plus intéressante ou plus belle que l’objet qu’on fabrique».

Coupez!,
de Michel Hazanavicius.